Le discours que j’ai prononcé, cette année, à l’occasion des cérémonies du 11 novembre :
Mesdames, Messieurs les représentants des autorités civiles et militaires,
Mesdames, Messieurs les représentants d’associations d’anciens combattants, résistants et déportés,
Mesdames, Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,
Rendre hommage aux soldats tombés au Champ d’honneur au cours de la Première Guerre mondiale, rendre hommage aux 15 315 Bourbonnais qui y ont laissé la vie, c’est faire en sorte que leurs noms, qui peuvent parfois s’effacer sur un monument, ne s’effacent pas de notre mémoire collective.
C’est le sens premier de notre présence ici chaque année, et certainement de celle de nos successeurs : sans un travail de mémoire, sans ces cérémonies qui nous conduisent régulièrement à nous pencher sur notre passé commun, l’inscription dans les programmes d’Histoire des seuls faits historiques ne sera pas suffisante.
Car il faut du temps pédagogique pour permettre d’expliquer, de contextualiser cette Histoire, pour ne pas se contenter de décrire le simple déroulement des faits, mais pour donner des clés de compréhension qui permettent de décrypter l’histoire d’hier, et permettent d’expliquer celle d’aujourd’hui.
Voilà pourquoi je suis convaincu que l’enseignement de l’Histoire dans nos Collèges et nos Lycées ne doit pas être relégué au rang de « matière non essentielle ».
Car cette histoire tragique résonne aujourd’hui particulièrement avec les temps actuels.
A nouveau, la guerre et son cortège de barbarie fracture et décime les peuples. 37 conflits armés, aujourd’hui dans le monde, défigurent notre planète. Ukrainiens, arméniens, kurdes, palestiniens et israéliens peuvent en témoigner. A nouveau, en Ukraine, à Gaza, au Moyen-Orient, la mort frappe partout, massivement, indistinctement. C’est l’Humanité toute entière qui se retrouve souillée, une nouvelle fois, par cette sauvagerie.
Et j’en fais le constat douloureux : les plans de paix sont actuellement les grands absents de la diplomatie internationale. Comme si on se résignait à ce que la guerre en Ukraine dure jusqu’à l’anéantissement total. Comme si on se résignait à voir défiler encore pendant des mois, en bas de nos écrans télévisés, le nombre de morts au Liban ou dans la Bande de Gaza.
Pourtant tout le monde le sait : un conflit se termine toujours d’une seule et même manière : autour d’une table de négociations. Combien de dizaines, de centaines de milliers de morts supplémentaires faudra-t-il pour s’y mettre, et faire enfin prévaloir la diplomatie ?
« Le combat pour la Paix est le plus grand des combats », affirmait Jean Jaurès avant d’être assassiné le 31 juillet 1914, soit trois jours à peine avant la déclaration de guerre de l’Allemagne à la France.
Ces mots résonnent particulièrement dans le monde d’aujourd’hui.
Rendre hommage aux plus de 15 000 Bourbonnais disparus entre 1914 et 1918, rendre hommage aux 9 millions de morts, dans toute l’Europe, dans cette boucherie qu’a été « la Grande Guerre », rendre hommage aux 21 millions de blessés, aux millions de veuves et d’orphelins, de « gueules cassées » et de survivants traumatisés à vie, c’est aussi, dans le même temps, s’engager à corps perdu pour la Paix, s’engager à tout faire pour qu’on ne revive plus jamais ça. Ni ici, ni ailleurs.
Leur rendre hommage, ce serait également, à mon sens, de réhabiliter enfin les centaines de fusillés pour l’exemple, ou encore de permettre l’entrée au Panthéon du grand pacifiste Henri BARBUSSE.
Henri BARBUSSE le savait : la Paix, ce n’est pas seulement l’intervalle de temps entre deux guerres.
La Paix, elle se cultive au quotidien. La Paix, c’est le seul projet politique qui vaille.
S’engager dans une « Culture de Paix », c’est travailler à l’apaisement des relations internationales comme à l’apaisement du débat public, ici, chez nous.
A l’heure où les tensions montent au plan géopolitique comme elles montent dans notre société française, nous avons plus que jamais besoin de travailler en permanence à un climat apaisé, d’œuvrer au dialogue plutôt qu’à l’affrontement, de construire du commun plutôt que d’entériner des fractures irréconciliables.
C’est, je pense, le message que nos Poilus souhaiteraient nous transmettre s’ils étaient parmi nous aujourd’hui.
Je vous remercie.