Baisser les taxes face à la hausse record du coût des carburants pour les automobilistes

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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les épisodes récurrents de canicule et de sécheresse qui frappent notre pays et notre continent, comme celui qui s’abat actuellement sur l’Italie du Nord, nous rappellent l’urgente nécessité de lutter contre le réchauffement climatique et d’œuvrer à sortir rapidement de notre dépendance aux énergies fossiles. Si nous voulons préserver demain la liberté pour chacun de se déplacer, il va nous falloir développer les transports en commun, les usages collectifs comme le covoiturage et « verdir » notre parc automobile, même si le tout électrique ne peut être la seule solution.

Dans le même temps, l’urgence pour nos concitoyens, particulièrement les plus modestes, est de pouvoir se déplacer sans devoir arbitrer entre leurs dépenses, dans un contexte de hausse vertigineuse de l’inflation.

C’est pourquoi, dès le 5 avril 2022, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine déposait, à l’initiative d’Alain Bruneel, député du Nord, une Proposition de loi visant à lutter contre la hausse exponentielle du prix des carburants. Déjà accablant à l’époque, le constat n’a depuis fait que s’aggraver. Dans sa note de conjoncture de juin 2022, l’INSEE estime en effet que l’inflation devrait atteindre en moyenne 5,5 % en 2022, et même grimper à 6,8 % en septembre, soit un niveau jamais atteint depuis 1985. Si l’augmentation des prix de l’alimentation reste la première préoccupation des Français (à 42 %), selon un sondage Harris interactive publié le 25 juin, l’énergie et les transports du quotidien arrivent tout de suite derrière. Le fioul, les carburants et le gaz sont d’ailleurs les principaux contributeurs à l’envolée du coût de la vie.

La guerre en Ukraine et les sanctions adoptées contre la Russie affectent, depuis quatre mois, l’économie française avec un choc sur le prix de l’énergie et des matières premières. Les tensions géopolitiques, mais aussi la spéculation, ont freiné la production de pétrole, alors que la demande repartait fortement à la hausse, suite à la reprise des activités économiques après la crise liée au Covid. Résultat, dans un contexte d’accélération de la demande, les prix du pétrole poursuivent une hausse continue. Elle ira probablement jusqu’à 125 dollars le baril en 2022, soit au‑delà du record historique de 2008 et peut‑être jusqu’à 150 dollars en 2023. À cette nuance près que lorsque le prix du baril atteignait des niveaux équivalents à ceux d’aujourd’hui, le prix du litre d’essence, lui, était inférieur en 2008 à celui d’aujourd’hui.

Même la décision de l’OPEP, annoncée le 2 juin 2022, de passer d’une production de 432 000 barils par jour à 648 000 n’aura finalement que peu de conséquences sur les prix, en raison d’une très forte demande mondiale conjuguée à l’embargo européen sur le pétrole russe, décidé le 30 mai dernier.

Au‑delà du contexte géopolitique, le prix moyen du carburant poursuit une hausse continue depuis de très nombreux mois.

En septembre 2021, celui du litre de gazole était à 1,47 euro, celui du super 95 à 1,598 euro et celui du super 98 à 1,675 euro.

Au début février 2022, juste avant le déclenchement de la guerre en Ukraine, les tarifs avaient encore augmenté de 16 centimes en moyenne.

Fin juin, un cap supplémentaire est franchi et les compteurs s’affolent à la pompe. Le litre de gazole est désormais facturé en moyenne à 2,13 euros, en hausse de 14,80 % en un mois (27,6 centimes d’euros en plus). En dix mois, le prix du litre de gazole a ainsi bondi de 66 centimes. Sur le plein d’un réservoir de 40 litres, cette hausse représente un surcoût de 26,4 euros. À raison d’un plein par semaine, la facture totale peut donc approcher les 10 % d’un SMIC.

Dans ces conditions, prendre sa voiture pour aller travailler revient à faire des choix drastiques sur les autres postes de dépense. « Le restaurant, c’est une fois tous les trois mois, le cinéma, je n’en parle même pas, quant au shopping, c’est une fois tous les six mois », éclaire une jeune vendeuse de prêt à porter, interrogée dans le journal de France 2 fin avril. « Bientôt, ça va me coûter plus cher d’aller travailler que de rester chez moi », confie de son côté une coiffeuse à domicile.

Pour atteindre les 1 500 euros par mois, Cynthia, agent de service dans le Nord, est employée dans quatre sociétés de nettoyage, pour une amplitude horaire pouvant aller de 4h30 du matin à 19h30. Dans ces conditions, tant au niveau des horaires que de l’amplitude géographique, l’usage des transports en commun est impossible. Deux pleins d’essence à 70 euros chaque mois sont à peine suffisants pour lui permettre de rallier les différents lieux de travail. Or ses frais de déplacement ne sont pas toujours couverts par les employeurs. D’où non seulement un surcoût préjudiciable à son pouvoir d’achat mais aussi une source de découragement.

Des mesures gouvernementales insuffisantes

Face à cette baisse brutale du pouvoir d’achat des automobilistes et à la colère sociale, le gouvernement a choisi d’accorder une remise de 18 centimes d’euros par litre de carburant pour une durée de quatre mois. Si cette mesure permet une légère bouffée d’air, elle ne répond pas à l’asphyxie financière de nos concitoyens obligés de prendre leur véhicule pour travailler ou contraints de renoncer aux loisirs à cause du prix de l’essence.

Les auteurs proposent donc de prendre une mesure d’ampleur en adaptant la fiscalité, de rendre obligatoire la prime de transport que peuvent verser les employeurs et de faire participer les groupes pétroliers à l’effort.

Adapter la fiscalité

À l’heure actuelle, 60 % du prix d’un plein est constitué par les taxes. La première est la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui représente environ 40 % de la note réglée par les automobilistes. Cette TICPE a évolué à la hausse durant le quinquennat (+ 7 centimes sur le gazole, + 4 centimes sur le SP95) avant d’être gelée en 2018 suite au mouvement des gilets jaunes. La loi adoptée au Parlement en décembre 2018 a ainsi permis de supprimer la progression prévue de 10 centimes sur l’essence et de 19 centimes sur le gazole d’ici à la fin du quinquennat.

À cette taxe sur la consommation finale s’ajoute la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA), au taux de 20 %, qui s’applique à la fois sur la consommation de carburant et sur la TICPE, créant un phénomène de double taxe.

Moduler la fiscalité représente donc un outil efficace pour réduire la facture payée par les automobilistes.

Notre proposition vise donc à réduire le taux de la TVA à 5,5 %, soit le taux dévolu aux biens de première nécessité, et à sortir la TICPE de l’assiette de la TVA pour supprimer le phénomène de « taxe sur la taxe ».

Agir sur la TVA, considéré comme l’impôt le plus injuste, est également un élément de justice fiscale. En effet, la TVA pèse d’autant plus sur les ménages qu’ils consomment une fraction importante de leurs revenus. Les ménages aux revenus modestes, fortement touchés par l’inflation, ont une plus forte propension marginale à consommer et sont donc davantage frappés par la TVA par rapport aux ménages aisés.

Répartir l’effort en prenant sur les profits des groupes pétroliers

À mesure que les prix à la pompe flambent, les profits des multinationales du pétrole, eux, s’envolent. Selon les chiffres de l’OCDE, les surprofits engrangés par les géants du secteur depuis le début de la guerre en Ukraine atteignent au global 200 milliards de dollars. (181 milliards d’euros). Un bal des spéculateurs pointé début juin par le président américain par une formule cinglante : « Exxon a gagné plus d’argent que Dieu ce trimestre ». Le président américain reprochant au géant pétrolier de ne pas pomper plus de pétrole, ce qui pourrait faire baisser les prix, dans le simple but de faire grimper ses bénéfices.

Le groupe français TotalEnergies, de son côté, a engrangé quelque 16 milliards de bénéfices en 2021 pour 7,95 milliards de dividendes versés. Du jamais vu depuis au moins quinze ans. En 2015, le groupe n’avait distribué « que » 2,74 milliards de dividendes. En six ans, la hausse du montant des dividendes dépasse les 180 % (quand la progression des emplois dans le groupe, au cours de la même période, culmine à 5,5 %). Et ce n’est pas fini.

Le 28 avril dernier, grâce à la flambée des cours de l’énergie sur fond de guerre en Ukraine, TotalEnergies s’est enorgueilli de quelque 5 milliards de dollars de bénéfices, pour le seul premier trimestre 2022. Un sacré record, mais qui pourrait déjà être pulvérisé début juillet avec l’annonce des résultats du premier semestre.

En attendant, la rémunération du patron de l’entreprise s’est, elle, déjà envolée de quelque 52 % en 2021, à hauteur de 5, 9 millions d’euros par an.

Taxer cette rente pétrolière serait donc un levier permettant de faire participer le secteur pétrolier privé à l’effort en remettant une forme de justice dans le prix payé à la pompe.

Présentation des articles

L’article premier vise à appliquer à la consommation de carburant un taux de TV A de 5,5 %, c’est‑à‑dire celui dévolu aux biens et services de première nécessité, au moins jusque fin 2023. Pour de nombreux Français, les déplacements automobiles revêtent un caractère impératif, a fortiori dans les territoires mal desservis en transport en commun. Cette mesure constitue donc une avancée notable pour le pouvoir d’achat des Français, à l’heure où les cours du pétrole et des carburants s’envolent.

Cette réduction de la TVA ne constitue pas, pour autant, un mauvais signal écologique concernant l’usage de la voiture. En effet, il est aujourd’hui clairement établi que la consommation de carburant est, au moins à court terme, peu sujette aux variations de prix. La baisse de la TVA ne provoquera donc pas d’augmentation des déplacements automobile. De plus, nous estimons que la baisse temporaire de TVA, dans un contexte de hausse continue des prix à la pompe, n’est pas de nature à compromettre l’efficacité des dispositifs visant le verdissement du parc automobile et le nécessaire développement de l’offre de transport public.

Enfin, la baisse de la TVA ne créera pas de distorsion en faveur du transport routier par rapport au fret ferroviaire. La TVA étant un impôt qui ne s’applique que sur la consommation finale des ménages, les transporteurs routiers sont d’ores et déjà exonérés.

Cette mesure permettra une baisse moyenne de 22 centimes sur un litre d’essence.

L’article 2 vise à exclure de l’assiette de la TVA les taxes énergétiques qui s’appliquent sur les carburants, notamment la TICPE. Il s’agit là d’un cas classique de « taxe sur la taxe », c’est‑à‑dire que la TVA s’applique à la fois sur la consommation de carburant, mais aussi sur les taxes énergétiques préalablement payées (environ 60 centimes par litre). Ainsi, pour un litre d’essence environ, le montant de TVA payé sur la TICPE s’élève à environ 13 centimes. L’article 2 vise donc à supprimer cette double imposition.

L’article 3 vise à rendre obligatoire, la prime de transport que les employeurs peuvent accorder aujourd’hui de manière facultative à leurs salariés pour leur déplacement personnel. Les modalités de cette prise en charge seront fixées par un accord d’entreprise. En l’absence d’accord, ce sera l’accord issu des négociations de branche, convoqué par cet article 3, qui fixera les modalités de prise en charge. Pour les toutes petites entreprises (TPE), un crédit d’impôt de 30 % du montant des primes de transport sera mis en place pour les accompagner financièrement. C’est l’objet de l’article 4.

L’article 5 prévoit, en conséquence de l’article 3, d’augmenter le plafond d’exonération d’impôt sur le revenu du prime transport. Aujourd’hui, les salariés bénéficiant d’une prime de transport peuvent exonérer celle‑ci d’impôt sur le revenu dans la limite de 200 euros. Nous proposons de porter ce plafond à 500 euros.

L’article 6 vise à mettre en place une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des entreprises pétrolières (à la fois les entreprises d’extraction et les entreprises de distribution) dégageant un chiffre d’affaires supérieur à un milliard d’euros. Cette contribution exceptionnelle, qui s’appliquera durant deux ans, sur les exercices 2022 et 2023, permettra de financer près d’un tiers de la baisse de la TVA appliquée aux deux premiers articles. Cette contribution sera égale à 30 % du résultat imposable des entreprises.

L’article 7 est l’article de gage.