Pour de nouveaux tarifs réglementés de vente de l’électricité et du gaz

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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’explosion des prix de l’énergie démontre l’incapacité du système européen de marché à être garant pour l’ensemble des usagers de tarifs raisonnables. Depuis plus de deux ans désormais, aucune régulation n’a permis de limiter les surprofits des fournisseurs d’énergie ni de garantir un retour à la stabilité des prix en Europe. Un constat d’échec qui conduit aujourd’hui l’économie française et des millions de ménages à souffrir d’une inflation galopante.

L’Union européenne et les pays membres n’ont pas réussi à produire un cadre protecteur, concédant des évolutions de prix hors de toutes prises avec les coûts réels de production : si les prix ont commencé leur envolée dès septembre 2021, ils ont franchi un cap historique en août 2022, où le record absolu sur le marché spot a été battu et s’est établit en moyenne journalière à plus de 700 €/MWh, loin des 100 €/MWh max du cout de production quel que soit la filière retenue.

Une telle volatilité des prix de l’électricité et du gaz a conduit à un affaiblissement considérable de la compétitivité de nos entreprises, à renchérir les difficultés enregistrées par les collectivités locales mais surtout à des pertes de pouvoir d’achat pour les ménages sans précédent.

Comme le révèle l’Insee, entre 2020 et 2021, la facture énergétique a augmenté de 46 % dans l’industrie tandis que pour les ménages sur une période similaire, le revenu moyen disponible a baissé de 720 euros par rapport à 2020 sous l’effet, principalement, de la hausse des prix de l’énergie. Deux simples constats qui illustrent parfaitement les conséquences du dévissage du mécanisme de marché.

Une désorganisation du marché européen de l’énergie que ne cherche même plus à nier désormais les instances de gouvernance européenne. Dans son discours annuel sur l’état de l’Union devant les eurodéputés à Strasbourg en 2022, la présidente de la commission Ursula von der Leyen a annoncé vouloir engager « une réforme complète et en profondeur » du marché de l’électricité, rappelant que la « conception actuelle du marché de l’électricité ne rend plus justice aux consommateurs ».

Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette défaillance.

D’abord, une cause structurelle en France : les interconnexions développées entre pays et la multiplication des énergies renouvelables avec leur priorité d’injection ont masqué la contraction de la puissance pilotable disponible du parc de production Europe. En France, cette contraction est due en partie à la fermeture de moyens pilotables laissant le parc existant sans aucune marge à l’échelon national alors que la maintenance des centrales nucléaires a été perturbée par la crise sanitaire. Lorsqu’un défaut générique de corrosion sous contrainte a été identifié fin 2021 sur les circuits RIS, notre parc ne pouvait plus répondre à la demande nationale, provoquant une première défaillance. Une situation qui n’est pas le fruit du hasard mais d’une politique financière par un état actionnaire s’intéressant plus aux remontées de dividendes qu’aux besoins d’investissement dans nos outils de production.

Ensuite, le second facteur d’ordre conjoncturel mais d’ampleur mondiale est celui de l’explosion des prix sur le marché du gaz, provoquée en partie par l’indisponibilité de certaines infrastructures suite à la crise sanitaire mondiale, renforcé par les effets de la guerre en Ukraine. Le secteur européen du gaz ayant été livré aux acteurs privés, nos politiques de stockage et notre souveraineté nationale ont été très largement abandonnées, pour au final se montrer en difficulté pour assurer notre approvisionnement dans la période. C’est donc sous l’effet d’une reprise d’activités mondiale après la crise covid et sous l’effet d’un arrêt des importations européennes de gaz russe que les marchés mondiaux de gaz ont réagi à la hausse.

La conjugaison de ces deux facteurs a alimenté la spéculation sur les prix de l’électricité. Un phénomène qui a eu une répercussion directe sur la facture finale des consommateurs, puisque la composante « marché » du TRVE (tarifs réglementés de vente de l’électricité) a fait exploser le prix global en janvier 2022 alors même qu’avant le début de la libéralisation jamais l’augmentation du TRVE n’avait dépassé l’inflation.

Contraint par une situation explosive et incapable d’exiger une réforme en profondeur du fonctionnement du marché européen de l’énergie, le Gouvernement s’est résigné à mettre en place son « bouclier tarifaire ». L’adoption de ce mécanisme très coûteux pour les finances publiques sans volonté de remettre en cause le cadre européen relatif à l’organisation du marché de l’énergie démontre à présent ses limites dans le temps.

L’ensemble de ces facteurs externes n’a pas pu être absorbé par nos dispositifs de régulations des tarifs de ventes de l’électricité et du gaz tant ils avaient été affaiblis, dans leur détermination, par des années de libéralisation.

En effet, depuis près de vingt ans, des réglementations européennes transposées en droit français sont venues ainsi préciser la « compatibilité » des tarifs réglementés de vente (TRV) avec le droit de l’Union européenne. Entièrement supprimés pour le secteur du gaz à compter du 1er juillet 2023, les TRV d’électricité restent autorisés mais sont assortis de conditions strictes pour les usagers particuliers tandis que la loi NOME consacre la suppression des TRVE pour les moyens et gros producteurs et limitent fortement l’accès pour les clients « entreprises ». Pour l’électricité, depuis le 1er janvier 2016 ont été exclus progressivement de nombreuses catégories d’acteurs du bénéfice des TRVE. D’abord les « gros clients », dont la puissance excédée36 GWh, puis pour les clients non‑domestiques. Ainsi depuis le 1er janvier 2021, seuls les clients résidentiels et les syndicats de copropriétaires d’un immeuble à usage d’habitation, ainsi que les « petits » clients non résidentiels, restent éligibles aux TRVE.

Une suppression progressive et partielle alors même que ces outils ont été durant plusieurs décennies les piliers de la politique tarifaire de l’énergie qui a permis un accès large et compétitif à l’énergie pendant des décennies à l’ensemble des usagers. Rappelons que la péréquation tarifaire était un marqueur démocratique fort en France.

L’intérêt des TRV a été progressivement affaiblit par une remise en cause progressive de leur définition. Le mode de calcul des TRV a ainsi évolué d’une approche essentiellement fondée sur les coûts réels de production, transport et commercialisation vers une méthode plus complexe de l’« empilement des coûts ». Cela vise notamment à rendre les TRV « contestables », c’est‑à‑dire que les fournisseurs alternatifs doivent être en mesure de proposer des offres qui soient compétitives par rapport à ces tarifs régulés alors même qu’ils ne déploient aucun effort productif et ne supporte aucun risque industriel. Cette méthode de calcul a ainsi conduit à rendre plus aléatoire le niveau des TRV comme le souligne la Cour des comptes. Au détriment du consommateur, la prise en compte des évolutions des prix de l’énergie sur le marché a affaibli la dimension protectrice de ces dispositifs.

Aussi, devant le risque de précarisation accrue d’une partie de la population, mais également d’une fragilisation de notre économie, et en particulier de notre tissu de PME, nous considérons qu’il est urgent de sursoir aux règles européennes sur la tarification de l’énergie.

La restauration de tarifs réglementés de l’électricité et du gaz assis sur une méthode de calcul plus juste et fondés sur les coûts réels de production, transport et commercialisation est essentielle, comme l’a démontré la proposition de loi déposée au Sénat par M. Fabien Gay le 24 octobre dernier. Assorties de mesures d’urgence de protection des consommateurs les plus fragiles, notamment pour interdire toutes coupures de la fourniture d’électricité et de gaz comme l’avait réalisé dès le 12 octobre la proposition de loi de Mme Elsa Faucillon et garantir une tarification sociale pour les ménages précaires, cette proposition de loi vise à soumettre plusieurs dispositifs absolument indispensables à la protection des usagers, des collectivités et des entreprises afin de sortir de la politique des « guichets ».

L’article 1er propose en ce sens une révision du mode de calcul des tarifs réglementés de vente de l’électricité. La mise en place de la méthode par empilement, intègre des éléments de marché et doit être « contestable ». Une telle méthode de calcul des prix des tarifs réglementés de ventes d’électricité se démontre un élément défavorable pour les consommateurs qui sont soumis aux variations de marché alors même qu’ils ont préféré à une offre de marché l’offre réglementée. La construction par empilement du TRVE, prix « plafond » mis en place pour soutenir le développement des fournisseurs alternatifs, avait, avant même la crise actuelle, déjà impliqué des hausses de prix liées principalement au prix du gaz et du CO2 alors que le mix de production français est principalement bas carbone.

Nous propos en ce sens de rétablir des TRVE justes qui rémunèrent le coût de production transport et commercialisation et ne soient plus corrélés à des éléments de marchés.

L’article 2 vise à redonner un accès non‑restreint à tous les usagers, à toutes les entreprises et à l’ensemble des collectivités locales aux TRVE. Le prix de l’électricité est un élément sérieux et crucial de notre compétitivité comme il est aussi un moyen de protéger les Français de la précarité.

L’article 3 vise à interdire les coupures d’électricité et de gaz en raison d’impayés pour l’ensemble des clients résidentiels toute l’année. Considérant que l’énergie fait enfin partie des services essentiels, principe reconnu par les institutions européennes le 17 novembre 2017 dans le Socle européen des droits sociaux, il est urgent de protéger les plus précaires d’éventuels coupures de fourniture d’électricité et de gaz.

L’article 4 entend réinscrire dans la loi les tarifs réglementés de vente du gaz naturel et renouvelables. Sur le modèle des TRVE, le présent article propose de revenir à construction plus juste des TRVG et de suspendre leur extinction. Les TRVG sont des éléments essentiels pour limiter la précarité énergétique pour un très grand nombre de résidents en logements sociales notamment.

L’article 5 vise à demander la baisse du taux de TVA à 5,5 % sur la consommation d’électricité et de gaz pour les ménages afin de garantir une baisse des coûts de l’énergie. La part de la consommation domestique d’énergie, d’origine électrique ou gazière représente à ce jour un poste croissant de dépenses des ménages. Les taxes comptent pour plus d’un quart d’une facture de gaz et d’électricité et le levier fiscal constitue un élément essentiel de préservation du pouvoir d’achat qui jusqu’à ce jour n’a pas été mobilisé. Le présent article propose un alignement du taux de TVA pour la consommation de fourniture électrique et gazière sur le taux appliqué à l’abonnement.