Pour une retraite universellement juste

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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le droit à la retraite  : un bien social commun

À l’heure où le Gouvernement s’apprête à engager une réforme des retraites, brutale et régressive, les député.e.s communistes et d’Outre‑Mer du groupe de la Gauche démocrate et républicaine réaffirment leur attachement à cet ensemble historique de droits sociaux dont la retraite est la clé de voûte : ils constituent un geste essentiel de civilisation humaine. Le Plan français de sécurité sociale, prévu par le programme du Conseil national de la Résistance (CNR) et mis en œuvre par Ambroise Croizat visait « à assurer à tous les citoyens les moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail ». Le rappeler n’est pas cultiver le goût du passé. C’est au contraire s’ouvrir à l’avenir par un choix de société humaniste, réaliste et progressiste.

Depuis 1945, l’effet conjugué de l’essor économique et démographique d’après‑guerre, des luttes sociales, des progrès de la médecine et de l’évolution des modes de vie a contribué à accroître l’espérance de vie et son corollaire, l’espérance de vie en bonne santé. Qui à leur tour ont participé activement et dans le même mouvement au développement économique et social. De sorte que, progressivement, l’écart entre l’âge légal de départ en retraite et l’espérance de vie s’est accru. Le droit à la retraite est dès lors devenu un pilier du pacte social, un droit à une nouvelle période de vie dégagée des contraintes du travail prescrit, une période nouvelle dégagée de la nécessité et ouverte sur des potentialités de libre activité.

Ce droit à la retraite concrétise ainsi l’aboutissement des luttes sociales du XXe siècle, menées en faveur de l’aménagement des différents temps de la vie : éducation, travail, congés, retraite…

C’est un droit que l’on crée par son travail : une part du salaire est versée sous forme de cotisations. C’est un droit que l’on partage : chaque génération finance la pension des précédentes. En cela, il constitue un véritable enjeu de société, un bien social commun fondé sur la solidarité.

Or, au lendemain de la pandémie qui nous a collectivement plongés dans un temps inédit à l’arrêt, de confrontation à l’isolement et à la mort, qui a réinterrogé nos choix de vie aux prises avec l’intensification du travail et la nécessité pour chacun d’entre nous de disposer d’un véritable temps libéré du travail prescrit, il nous apparaît plus que jamais nécessaire de bâtir les jours à venir sur une solidarité réaffirmée.

Le Gouvernement actuel ne veut rien entendre du bousculement qu’a provoqué la pandémie. En utilisant le terme de «  résilience  » qui ne signifie rien d’autre qu’un retour au même, il a fait le choix de faire taire toute aspiration légitime au changement. La réforme des retraites que veut imposer ce Gouvernement vise ainsi à conforter une société individualiste et clivée où les classes sociales les moins aisées supporteront un tribut toujours plus lourd.

À l’inverse, parce qu’un changement social est urgent, nous défendons une réforme des retraites qui, sur la base d’une solidarité réaffirmée entre tous, répare les injustices sociales dans le travail et après le travail pour les générations actuelles et celles à venir.

Des attaques successives contre le droit à la retraite

Depuis l’apparition de notre système de protection sociale, et plus encore depuis 1993, les partisans du néo‑libéralisme n’ont cessé de chercher à remettre en cause ce conquis social, qui postule une appropriation sociale d’une partie de la richesse produite et freine parallèlement les processus variés d’accumulation des richesses par le secteur privé et financier (capitalisation, financiarisation, spéculation…). Une accumulation du capital qui se fait toujours au détriment des salaires, de l’emploi et de la préservation de l’environnement et alimente le pouvoir de quelques‑uns contre la démocratie.

La réforme portée par le Gouvernement s’inscrit dans ce cadre. Le prétendu déséquilibre financier du système et l’allongement de l’espérance de vie sont instrumentalisés pour démontrer qu’une seule issue est possible : l’allongement du temps de travail. Les mots «  justice  », «  équilibre  », et «  progrès  » sont détournés de leur sens réel pour dissimuler le caractère régressif d’une réforme qui nivelle les droits vers le bas, valide les inégalités sociales et d’espérance de vie, et promeut in fine mécaniquement, sans le dire, la retraite par capitalisation.

Ce faisant, ce projet va dans le même sens que les offensives conduites depuis trente ans contre le système par répartition, sous couvert de son sauvetage.

La réforme Balladur de 1993 a marqué un tournant dans la dégradation du droit à la retraite après le passage en 1987 de l’indexation des retraites sur l’indice des prix, lequel évolue moins rapidement que celui des salaires, affaiblissant le lien direct entre travail et retraite. Cette modification de l’indexation, l’allongement de 37,5 ans à 40 ans de la durée de cotisation pour une retraite à taux plein et par‑dessus tout le calcul de la pension sur les 25 meilleures années contre 10 précédemment ont fait chuter considérablement le niveau des pensions versées. Les femmes et les salarié.e.s ayant connu des périodes de précarité sont les premiers pénalisés par ces mesures. Pour la première fois depuis l’instauration de la Sécurité sociale, le droit à la retraite auquel pouvaient prétendre les actifs était moins accessible et moins favorable que celui de leurs aîné‑e‑s.

Les réformes de 2003 et de 2008 ont aggravé la situation en faisant entrer dans la loi le principe de l’augmentation de la durée de cotisation pour les fonctionnaires et les régimes spéciaux, basé sur l’augmentation de l’espérance de vie. Mais elles ont également mis en concurrence le système de répartition en favorisant de nouvelles formes de capitalisation, ménageant ainsi une place de choix aux acteurs financiers. Prises pour des considérations budgétaires, les réformes de 2010 et 2014 n’ont pas dérogé à l’allongement de la durée de travail en relevant respectivement l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans, et la durée de cotisation à 43 annuités à compter de la génération 1973 pour avoir le taux plein.

Le dernier épisode de cette mauvaise séquence était déjà l’œuvre du Gouvernement actuel avec la hausse injuste de la CSG sur les pensions conjuguée à la désindexation des retraites au détriment de leur pouvoir d’achat. Le droit originel, qui a tant amélioré les conditions d’existence, qui contenait en lui‑même les sources de son propre progrès, serait devenu trop généreux et déraisonnable. Alors qu’historiquement notre système de retraites avait pour vocation de résorber la pauvreté des travailleurs âgés, s’organise donc depuis trois décennies la paupérisation des futurs retraité.e.s en durcissant les conditions d’accès à ce droit social.

Notre système de retraites n’est pas en faillite, il est solide

Le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) a calculé que le régime des retraites a dégagé un excédent de 900 millions d’euros en 2021, pour la première fois depuis la crise de 2008. Davantage, le COR envisage un excédent de 3,2 milliards en 2022 (soit 0,1 % du PIB).

Ainsi, après un déficit à hauteur d’environ 13 à 14 milliards d’euros en 2020, le solde global du régime est revenu dans le positif grâce à la forte reprise de la croissance l’an dernier, après que les effets de la crise sanitaire se sont estompés.

Selon le COR, le solde global des régimes de retraite devrait « se dégrader sensiblement » dès 2023, et son retour à l’équilibre reste toujours projeté « vers le milieu des années 2030 » dans le meilleur des scénarios.

Concrètement, d’ici à 2032, il y aurait un déficit entre 0,5 et 0,8 % de PIB, soit de l’ordre de 10 à 12 milliards d’euros par an.

Si ce déficit à venir ne doit pas être négligé, il convient, pour y apporter une réponse juste et adéquate, d’en décrire la réelle portée et les véritables causes.

En premier lieu, il s’agit de mettre en perspective ce déficit estimé à 10 milliards d’euros avec les dépenses assurées par le régime, soit 345 milliards d’euros, au regard d’un PIB de 2 500 milliards (en 2021). Le ratio entre dépenses de pensions et déficit est donc très faible. Cela ne signifie pas qu’il est négligeable, mais rapporté au solde global du régime et à un système de solidarité qui opère sur le long terme, le déficit n’est pas exorbitant et ne met pas le régime en péril. Surtout, ce déficit ne justifie d’aucune manière le choix de repousser l’âge légal de départ à la retraite et d’augmenter le nombre de trimestres cotisés pour y prétendre.

Ainsi, en second lieu, il convient d’exposer clairement les raisons de ce déficit à venir. Contrairement à ce qu’avance le Gouvernement, il n’y a pas de dérapage des dépenses publiques, mais un manque de ressources. Le rapport du COR est, là encore, catégorique : sur la période 2021 à 2027 la part des dépenses de retraite dans le PIB serait stable de sorte que « Les résultats de ce rapport ne valident pas le bien‑fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite ».

La raison de ce déficit à venir est connue : des dépenses plus dynamiques que la croissance, un phénomène aggravé par les politiques de maîtrise de la masse salariale dans la fonction publique territoriale et hospitalière, les bas salaires dans le secteur privé et les exonérations de cotisations patronales (près de 80 milliards par an sans aucune contrepartie sociale) qui entravent la dynamique des recettes.

Trouver les moyens de résorber le déficit à venir et consolider notre système par répartition n’implique donc pas de réduire les dépenses en les faisant peser sur les travailleurs, mais bien autrement d’en accroître les ressources pour conforter les droits de tous les travailleurs.

Le financement des retraites : un problème de recettes

Le problème de financement des retraites n’est pas un problème de dépenses, mais un problème de recettes. Dans la continuité des politiques d’allègements du prétendu «  coût du travail  » mises en œuvre depuis trente ans, le Gouvernement actuel a organisé l’assèchement des ressources de la Sécurité sociale, en créant de nouvelles exonérations de cotisations sociales sans les compenser aux caisses concernées pour un montant de 3 milliards d’euros par an. Au total, les politiques d’allègements sociaux grèvent les finances publiques de 80 milliards d’euros chaque année pour une efficacité jamais démontrée. Il convient de revoir ces orientations dogmatiques en questionnant leur utilité et leur efficacité économique et sociale. Il faut d’autant plus les revoir qu’elles ont accompagné la précarisation de l’emploi et la montée du chômage, ou encore l’explosion des inégalités salariales et l’augmentation du temps de travail. Si le travail était mieux partagé, si les richesses qu’il produit étaient mieux utilisées et réparties, les ressources de la Sécurité sociale ne s’en porteraient que mieux.

Le trou dans les recettes s’explique également par les suppressions d’emploi dans la fonction publique à l’œuvre depuis plusieurs années et prolongées par le gouvernement actuel. Moins d’emploi public, c’est moins de rentrées de cotisations sociales payées par l’État employeur.

Enfin, l’urgence d’une transition écologique appelle d’autres modes de développement en rupture avec une course en avant qui gâche en trop grande partie le travail et la matière. C’est pourquoi le réinvestissement des richesses produites dans les salaires et donc dans les pensions est un maillon de la chaîne permettant de produire mieux et de consommer mieux.

Tous ces leviers de financement seront d’autant plus puissants qu’ils seront conjugués à de nouvelles orientations économiques et sociales visant le développement de l’emploi, l’augmentation des salaires et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Ce sont autant de moyens destinés à garantir le financement par la cotisation et à assurer la pérennité de notre modèle de protection sociale.

C’est pourquoi il convient de sortir de cette logique d’austérité et d’exonération sociale aveugle. Les ressources existent pour garantir des retraites de haut niveau et promouvoir les dispositifs de solidarité.

Autrement dit, il est possible de réduire le déficit à venir en améliorant le système. Dans cette perspective, il s’agit non pas de réduire les dépenses, mais d’accorder au régime de retraite les ressources dont il a besoin, dont ont besoin les retraités actuels et à venir.

En effet, si les dépenses de retraite demeurent stables dans le temps c’est au prix d’un effort qui pèse d’ores et déjà entièrement sur les travailleurs et les retraités : cette stabilité des dépenses est due à la fois à un recul progressif de l’âge de la retraite de 62,4 à 64 ans prévu en 2035 et résultant des effets de la réforme Touraine de 2014 (donc à une baisse de la durée de vie passée en retraite) et à une baisse massive du revenu relatif des retraités par rapport aux actifs.

Si les dépenses du régime sont contenues c’est donc au prix de pensions toujours plus pressurisées : la pension moyenne passerait de 50 % du salaire moyen en 2021 à 42 % en 2050 et 34,8 % en 2070.

Il serait donc tout à fait injuste et injustifié de faire peser les conséquences du déficit actuel sur les retraités et les travailleurs pour préserver, une fois encore, des choix économiques en faveur des grandes entreprises. D’autant que ces choix n’ont pas produit d’effets bénéfiques pour les travailleurs dont la cadence de travail n’a cessé de croître et les conditions de travail et salariales de se détériorer.

La réforme du Gouvernement : injuste, violente et régressive.

La réforme actuelle, négociée avec le groupe Les Républicains, vise à reculer l’âge légal de départ à 64 ans et, dans le même temps, à augmenter le nombre de trimestres travaillés pour prétendre à une retraite à taux plein. C’est un projet d’une extraordinaire brutalité tant dans sa rapidité d’exécution que dans les conséquences immédiates de sa mise en œuvre.

Ce projet sera en effet mis en œuvre dès septembre 2023 et ses effets ne seront pas différés, comme les précédentes réformes, mais ils seront immédiats.

Concrètement, dès la loi votée, l’âge sera reculé tous les ans de trois mois : trois mois de plus dès 2023 pour la génération 1961, 6 mois en 2024 pour la génération 1962, 9 mois en 2025 pour la génération 1963, pour aboutir à 2 ans en 2030 (64 ans) pour la génération 1968. Mais l’âge légal ne garantit pas une pension complète : beaucoup sont déjà contraints aujourd’hui d’aller au‑delà de 62 ans, et demain beaucoup plus encore seront contraints d’aller au‑delà de 64 ans s’ils veulent une retraite à taux plein. Car, en même temps qu’il recule de 2 ans l’âge légal de départ à la retraite, le Gouvernement augmente brutalement le nombre de trimestres nécessaires pour prétendre à une « carrière complète ». En effet, la durée de cotisation est certes maintenue à 43 annuités (172 trimestres), mais au lieu d’être atteinte en 2035 comme le prévoit la réforme Touraine, elle sera atteinte dès 2027. La réforme Touraine prévoit 1 trimestre de cotisation en plus tous les 3 ans de 2020 à 2035. La réforme Macron prévoit 1 trimestre de cotisation en plus tous les ans. La réforme Macron va donc accomplir en 4 ans (2023‑2027) ce que la réforme Touraine prévoyait d’accomplir en 12 ans (2022‑2035) ; la durée de cotisation augmente trois fois plus vite que prévu. À l’heure actuelle, les 43 annuités devaient être atteintes par la génération 1973 ; avec la réforme Macron, c’est la génération 1965 qui devra cotiser 43 annuités. En d’autres termes, le Gouvernement a décidé de multiplier par quatre le rythme d’augmentation de la durée de cotisation nécessaire pour atteindre le taux plein.

Cette réforme ne peut pas se justifier par le simple accroissement de la durée de l’espérance de vie. Actuellement, l’écart d’espérance de vie entre hommes ouvriers et cadres est de 6,4 ans. Et vivre plus longtemps ne signifie pas forcément vivre mieux : 23 % des Français souffraient d’une limitation physique lors de leur première année de retraite en 2018. À l’heure actuelle, 5 % des gens meurent avant d’arriver à la retraite, ce sont majoritairement des hommes très modestes. Avec la réforme Macron, ce risque passerait à 6,5 %, soit 9 000 personnes supplémentaires par an. La durée moyenne passée à la retraite est d’une vingtaine d’années pour l’ensemble de la population, mais à l’heure actuelle, les plus pauvres passent 7 années de moins à la retraite que les plus aisés. Avec la réforme, ils perdraient encore un peu plus de 2 ans de durée de retraite.

Du point de vue du déficit à résorber, ce dispositif ne change rien : le point d’équilibre sera atteint en 2030. Un report de l’âge de 4 mois par an aboutirait, du point de vue des économies réalisées, au même résultat.

En revanche, la réforme va être d’autant plus dure à supporter pour les travailleurs et particulièrement ceux nés entre 1961 et 1969 qui vont non seulement voir s’éloigner l’âge légal de départ, mais voir aussi fortement augmenter leur durée de cotisations pour y prétendre. Les générations de 1965 et 1966, âgées de 57 et 58 ans en 2023, sont celles qui vont particulièrement souffrir : elles vont supporter 3 trimestres en plus de cotisations pour un taux plein et un recul de, respectivement, 1 an et 3 mois et 1 an et 6 mois, de l’âge légal de départ. Or, c’est précisément une tranche d’âge très fragilisée dans l’emploi. En effet, c’est à partir de 55 ans qu’un premier décrochage apparaît dans l’emploi des « seniors » ou les fins de carrière avec notamment une accentuation de l’emploi à temps partiel ou le glissement vers un chômage de longue durée.

En outre, la reconnaissance en carrières longues sera lourdement pénalisée au regard du système actuel par une durée de cotisations portée à 44 annuités.

Les femmes, dont les pensions sont déjà en moyenne inférieures de 40 % au regard de celles des hommes, seront davantage fragilisées par ce recul de l’âge légal couplé à une augmentation de la durée de cotisation. Aucune mesure de réduction de cette injustice, ou même de simple compensation, n’est prévue.

Rien n’est davantage prévu pour améliorer les fins de carrière. Le Gouvernement affirme qu’il faut travailler plus longtemps sans interroger les conditions de travail actuelles en fin de carrière et en négligeant volontairement un fait insupportable et incontestable, à savoir qu’à 60 ans, dans la période 2015‑2017, 29 % des personnes n’étaient ni en emploi ni en retraite : 7 % d’entre elles étaient au chômage, 12 % étaient inactives depuis l’âge de 50 ans et 10 % inactives dès avant 50 ans.

La pénibilité n’est pas davantage prise en considération. La réforme Macron fait même preuve d’un cynisme honteux en proposant comme grande mesure une visite médicale obligatoire à 61 ans pour constater l’invalidité des travailleurs. La pénibilité qui caractérise les métiers féminins est largement occultée, surtout dans des secteurs comme ceux du commerce et de la distribution, de l’entretien et des services à la personne, où les femmes occupent souvent des emplois précaires. De surcroît, la réforme envisage de capter les ressources de la branche Accidents du travail/ Maladies professionnelles (AT/MP) pour compenser de nouvelles exonérations patronales et financer un fonds de prévention de la pénibilité quand les travailleurs ont en réalité besoin d’une reconnaissance de la pénibilité par l’accès précoce à la reconversion professionnelle et/ou l’accès anticipé à la retraite à taux plein.

L’âge d’annulation de la décote qui demeure fixé à 67 ans et l’allongement de la durée de cotisation à quarante‑trois ans à horizon 2027 vont continuer de creuser l’écart entre les retraités ayant eu une carrière complète et les autres, en premier lieu les personnes ayant eu de longues périodes d’inactivité et les femmes. Elles sont environ 20 % – moitié moins chez les hommes – à attendre l’annulation automatique de la décote à 67 ans pour ouvrir leurs droits.

Ces pensionnés les plus pauvres, ceux bénéficiant d’une «  petite retraite  », ne pourront même pas prétendre au relèvement du minimum contributif à 1 200 euros brut par mois (85 % du SMIC contre 75 % actuellement), puisqu’il sera réservé aux carrières complètes au SMIC. À quoi il convient de reconnaître qu’une pension de 1200 euros bruts par mois après avoir passé un minimum de 43 années payées au SMIC, dans un emploi donc peu valorisé, n’est pas suffisant et acceptable.

Pour une réforme humaniste, solidaire et progressiste des retraites

Aucune raison économique ne justifie la mise en œuvre de la réforme Macron. Et les inégalités sociales actuellement à l’œuvre au travail et à la retraite contredisent absolument un recul de l’âge légal et une augmentation de la durée de cotisations.

En revanche, le déficit prévu du régime des retraites, le mal‑être croissant des travailleurs en raison de la dégradation de leurs conditions salariales et de travail, la faiblesse des pensions actuelles, les injustices du système actuel qui répercute celles de la vie active dans la vie à la retraite commandent de réformer notre système.

C’est la raison pour laquelle, nous, députés communistes et ultramarins du groupe GDR, estimons qu’une réforme humaniste, solidaire et progressiste est possible et nécessaire, dans le but de réparer ce qui est abîmé et de donner un nouvel élan au droit à la retraite en poursuivant les intuitions fondatrices de la Sécurité sociale. Cette proposition de loi pose comme préalable plusieurs grands principes.

Tout d’abord, elle garantit un système à «  prestations garanties  », fondé sur la solidarité intergénérationnelle qui assure un taux de remplacement (rapport entre la pension et les salaires) élevé et prévisible pour tous dès le début de carrière.

Elle envisage de mieux reconnaître le travail et la qualification qu’il requiert, en prenant en compte dans la carrière complète les périodes de formation (initiale comme continue).

Elle harmonise vers le haut les droits à la retraite des différents régimes en se fixant à terme de mettre en œuvre l’ambition originelle de la sécurité sociale : l’élargissement du régime général dans le respect des spécificités des métiers et des sujétions de service public. Dans ce cadre, le régime général serait étendu en intégrant les régimes complémentaires des salariés du privé (Agirc‑Arcco) et des contractuels de la fonction publique (Ircantec). Le régime spécifique des fonctionnaires serait maintenu et amélioré avec la possibilité de prendre en compte les primes dans le calcul de la pension et le relèvement des droits familiaux.

Elle s’inscrit dans l’objectif de réduire le temps de travail prescrit. Ce principe implique de garantir un vrai temps de retraite en bonne santé et donc d’abaisser l’âge de départ au‑dessous de l’espérance de vie en bonne santé. Il implique également de progresser socialement et donc d’augmenter autant que raisonnable le temps du répit et du travail librement choisi.

Sans renoncer à s’attaquer en amont aux inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes, elle poursuit l’objectif de corriger les inégalités présentes dans le monde du travail en prenant mieux en compte les écarts de salaires, les carrières courtes et les interruptions d’activité. Elle préserve l’emploi des personnes âgées de plus de cinquante ans et favorise leurs conditions d’embauche.

Elle crée des droits nouveaux en matière de reconnaissance de la pénibilité pour résorber les inégalités d’espérance de vie et garantir au plus grand nombre un départ en bonne santé.

Elle assure un haut niveau de solidarité en relevant le minimum de retraite, en reconnaissant les périodes de chômage et de formation, et en valorisant les périodes d’implication familiale (maternité, paternité, aide à un proche en perte d’autonomie).

Elle garantit des ressources suffisantes au profit du système des retraites en réaffirmant la place essentielle de la cotisation sociale tout en élargissant l’assiette de financement. Ces ressources seront encore plus importantes si nous mettons en place toutes les conditions économiques pour créer de nouveaux emplois, augmenter les salaires et appliquer réellement l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Ce sont autant de moyens d’accroître les rentrées de cotisations sociales et d’assurer la pérennité de notre modèle de protection sociale.

Enfin, elle renforce les pouvoirs des salariés en accordant un rôle central aux organisations syndicales salariales en matière de gestion et de pilotage. Fermement opposés à l’étatisation de la protection sociale, nous estimons que le principe de participation des travailleurs est le corollaire de l’objectif d’unification des régimes et d’harmonisation des droits.

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Sur la base de ces grandes orientations, la présente proposition de loi décline trois objectifs qui constituent les trois titres de ce texte : garantir un bon niveau de vie des retraités actuels ; améliorer les droits contributifs et solidaires de notre système de retraite par répartition ; et consolider son financement grâce à une meilleure répartition des richesses produites.

À rebours de la politique du Gouvernement actuel qui consiste à faire des retraités les variables d’ajustement des équilibres budgétaires, le titre Ier ambitionne de garantir le niveau de vie des retraités actuels à travers plusieurs mesures favorables à leur pouvoir d’achat.

L’article 1er supprime la hausse de la CSG sur l’ensemble des pensions de retraite. Cette mesure instaurée de manière injuste par le gouvernement au 1er janvier 2018 a pénalisé fortement le pouvoir d’achat de 8 millions de retraités.

Par ailleurs, les projections du COR montrent que les pensions des retraites décrocheront par rapport aux revenus des actifs dans les prochaines années en raison de l’indexation des retraites sur les prix, qui est moins favorable que l’indexation sur les salaires. Afin de garantir dans le temps le taux de remplacement à 75 % des derniers salaires, l’article 2 prévoit que les pensions de retraite seront revalorisées chaque année en fonction de l’évolution du salaire moyen.

L’article 18 prévoit de garantir un niveau minimum de pensions digne et décent à l’ensemble des retraités relevant du régime général et du régime agricole. Ce montant minimum sera porté à 100 % du SMIC net dès 2023.

L’article 3 revalorise le montant de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ex‑minimum vieillesse) afin qu’il ne puisse être inférieur au seuil de pauvreté, actuellement fixé à 1041 euros par mois. L’article 4 fixe à 100 000 euros le seuil au‑delà duquel l’allocation versée au bénéficiaire peut être récupérée sur succession après son décès. Il supprime la date butoir du 31 décembre 2026 de cette disposition déjà existante dans les territoires d’Outre‑mer pour en faire une règle constante.

Le titre II vise à améliorer le système actuel de retraite en instaurant de nouveaux droits universels (chapitre Ier) et en promouvant les dispositifs de solidarité (chapitre II).

L’article 5 propose de fixer à soixante ans l’âge légal de départ en retraite. Les premiers assurés concernés seraient les personnes nées en 1960. En conséquence, tous les dispositifs légaux (carrières longues, pénibilité, retraite progressive) qui permettent des départs avant l’âge légal sont désormais déterminés par rapport à cette nouvelle référence de 60 ans. Ainsi, il sera possible de partir à 58 ans à taux plein avec le dispositif «  carrières longues  » pour les personnes qui ont commencé à travailler avant 20 ans, et à 55 ans au titre du nouveau dispositif pénibilité instauré dans la présente proposition de loi.

L’article 6 abaisse la durée d’assurance nécessaire pour atteindre le taux plein. Alors que le système actuel prévoit que la durée de cotisation atteindra 43 ans à compter de la génération 1973, nous proposons de fixer cette durée à 37,5 pour mieux refléter les durées réelles d’activité, tout en reconnaissant, par la validation de trimestres, les périodes d’études, d’alternance, de stages rémunérés ainsi que les périodes de chômage indemnisé et non‑indemnisé. Nous proposons à moyen terme de supprimer le critère de durée d’assurance pour le calcul de la retraite pour retenir seulement la notion de carrière complète. Ce changement de paradigme implique que toutes les périodes d’activité professionnelle, d’études, de formation et d’ » inactivité  » subie, comprises entre l’âge de 18 ans et de 60 ans, seraient valorisées pour garantir le droit à la retraite. Seules les périodes d’ » inactivité » choisies pour convenance personnelle par le salarié ne seront pas alors validées au titre de la retraite. Le droit à une retraite pleine et entière dès l’âge de 60 ans deviendra alors accessible à tous les salariés sans exception sous la seule condition d’être resté « actif » au sens ainsi défini de leur sortie du cycle d’études secondaires jusqu’à l’âge de 60 ans.

L’article 7 crée un nouveau dispositif de reconnaissance de la pénibilité afin de garantir à ceux qui ont été exposés pendant une certaine durée à des conditions de travail pénibles au cours de leur carrière à un départ à la retraite anticipé. Pour assurer un temps suffisant de retraite en bonne santé, il permet aux travailleurs concernés de partir à l’âge de 55 ans, contre 60 ans dans le système actuel, en appliquant la règle suivante : cinq années passées dans un métier pénible donnent droit à un an de départ anticipé. La pénibilité est appréciée en  fonction des emplois occupés par l’assuré au cours de sa carrière, de la durée d’activité passée dans la fonction concernée, et des facteurs de risques professionnels. Cet article renvoie à des négociations au sein de chaque branche professionnelle, le soin de déterminer les métiers et les emplois pénibles. De manière dérogatoire, des droits supplémentaires pourraient être accordés aux travailleurs ayant occupé des métiers exceptionnellement pénibles. En outre, il prévoit que les organisations syndicales engagent une négociation nationale interprofessionnelle tous les cinq ans pour adapter le dispositif de reconnaissance de la pénibilité à l’évolution des emplois et des conditions de travail.

L’article 8 rétablit l’ancienne période de référence servant de base au calcul des pensions. Alors qu’au sein du régime général, les pensions sont actuellement calculées sur la base des vingt‑cinq meilleures années travaillées, il est proposé de les calculer sur les dix meilleures années. Cette mesure permettra de mieux considérer les personnes qui ont eu des carrières courtes ou incomplètes.

Pour les fonctionnaires, l’article 9 crée un droit d’option s’agissant du calcul de leurs pensions conjugué à un principe de faveur. En fonction de l’option la plus favorable, le fonctionnaire peut choisir entre un calcul de la pension sur la base des six derniers mois de traitement brut indiciaire, ou un calcul reposant sur les dix meilleures années de traitement brut auquel s’ajoutent les primes perçues. Les modes de calculs différents répondent à des logiques de carrière et de rémunération différentes ; elles débouchent sur des taux de remplacement sensiblement équivalents. Cette règle s’inscrit dans une dynamique d’harmonisation des modes de calcul, avec la volonté de prendre en compte l’ensemble de la rémunération, indexée sur l’évolution du salaire moyen.

L’article 10 supprime la décote sur la pension de retraite qui s’applique lorsque les assurés ne disposent pas de la durée de cotisation requise pour le taux plein. Aujourd’hui, nombre d’assurés, notamment les femmes, doivent attendre de manière injuste 67 ans, l’âge d’annulation de la décote, pour partir à la retraite à taux plein. Cette suppression sera donc particulièrement bénéfique pour les femmes qui subissent actuellement une double peine : une retraite calculée sur une durée de cotisation plus faible que celle exigée pour le taux plein conjuguée à une décote en fonction du nombre de trimestres manquants.

L’article 11 abaisse le minimum de cotisations nécessaires pour valider un trimestre. Aujourd’hui fixé à 150 heures dans le régime général, ce seuil peut freiner l’acquisition de trimestres pour des femmes à temps très partiel ou des personnes qui travaillent en CDD très court dans certains secteurs d’activité (hôtellerie‑restauration, secteur du déménagement, culture…). C’est pourquoi le présent article propose de fixer le minimum de cotisations à 75 heures.

L’article 12 adapte le dispositif de retraite progressive qui permet à un salarié de percevoir une partie de sa pension de retraite avant d’avoir atteint l’âge légal tout en continuant à exercer son activité à temps partiel. Afin de tenir compte de l’abaissement de l’âge légal à 60 ans tel que prévu à l’article 4 de la présente proposition de loi, cet article permet d’ouvrir le droit à la retraite progressive à compter de 58 ans.

Parallèlement au renforcement des règles universelles de notre système par répartition, ce texte s’attache à promouvoir la solidarité en renforçant les dispositifs existants et en créant de nouvelles garanties collectives (chapitre II).

Afin de valoriser les années de formation et de tenir compte de l’entrée de plus en plus tardive des jeunes dans l’emploi stable, l’article 14 prévoit de prendre intégralement en considération les périodes d’études dans l’enseignement supérieur, et les périodes de stage rémunéré dans la détermination du droit à la retraite. S’agissant de l’apprentissage, ces périodes sont déjà prises en compte pour les droits à la retraite dans le système actuel, en application d’un décret de 2014.

Afin de garantir des conditions d’embauche et d’emploi dignes aux salariés âgés de plus de cinquante ans, l’article 13 prévoit de rétablir les articles L. 138‑24 et L. 138‑25 du Code du travail qui permettent de contraindre les entreprises d’au moins cinquante salariés à conclure des accords contraignants et protecteurs en matière d’emploi de ces salariés.

En matière de droits familiaux, plusieurs mesures améliorent les dispositifs existants. L’article 15 supprime la double condition d’affiliation du père et de la mère pour bénéficier de la majoration de durée d’assurance de huit trimestres accordés aux mères à la naissance de chaque enfant.

En plus du dispositif existant de majoration de trimestres pour enfants qui bénéficient aux femmes, l’article 16 transforme la bonification de 10 % de la pension pour les parents à partir du troisième enfant en une bonification forfaitaire accordée à chaque parent dès la naissance du premier enfant d’un montant de 600 euros annuels par enfant. Jusqu’à présent exprimée en pourcentage de la pension et donc profitant plus aux hommes en proportion, la bonification forfaitaire proposée sera plus juste en donnant aux parents le même montant. Elle sera également plus large puisqu’elle s’appliquera dès la naissance du premier enfant, puis se cumulera à chaque enfant supplémentaire dans une limite de quatre enfants. Nous formulons cette proposition d’un calcul forfaitaire de la majoration considérant qu’elle pourra ainsi favoriser une forme de redistribution au profit des femmes et des familles modestes. Toutefois, suivant l’objectif prioritaire poursuivi, le débat peut s’ouvrir sur un calcul en pourcentage.

L’article 17 instaure pour les proches aidants qui s’occupent d’un membre de leur famille en perte d’autonomie une majoration de durée d’assurance d’un trimestre par période de trente mois, dans la limite de huit trimestres.

L’article 18 fixe le montant du minimum de retraite pour une carrière à 100 % du SMIC net, y compris pour les exploitants agricoles. Cette avancée sociale sera applicable à compter de 2023 pour les pensionnés actuels comme pour les futurs retraités.

Plusieurs dispositions de la proposition de loi améliorent par ailleurs les règles de la réversion, tout en harmonisant les règles entre le privé et le public. Concernant, le régime général, l’article 19 prévoit d’accorder la réversion sans condition de ressources et de garantir un montant de réversion pour le conjoint survivant qui ne peut être inférieur à 75 % de la pension du conjoint décédé, alors que ce taux est aujourd’hui de 54 %. L’article 20 procède au même relèvement pour les fonctionnaires alors que les règles actuelles garantissent un taux de remplacement de seulement 50 %. Pour tenir compte des évolutions sociétales, les articles 21 et 22 proposent en outre d’étendre le droit à pension de réversion au partenaire pacsé survivant au profit des assurés du régime général et des fonctionnaires. Les auteurs de cette proposition de loi n’ont pas choisi, néanmoins, de retenir une durée minimum de vie commune pour ouvrir ce droit et prévoient qu’il s’applique au prorata de la vie commune, à l’instar du droit applicable aux couples mariés.

Enfin, le titre III détaille les mesures de financement d’un système de retraite par répartition amélioré en portant l’exigence d’un meilleur partage des richesses. Ces mesures, qui engendrent 80 milliards d’euros de recettes nouvelles, doivent être accompagnées, selon les auteurs de la proposition de loi, par de nouvelles orientations politiques de nature à créer de nouveaux emplois, à augmenter les salaires et à aboutir définitivement à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Ce sont autant de moyens d’accroître les rentrées de cotisations sociales et d’assurer la pérennité de notre modèle de protection sociale.

Le chapitre 1 intègre plusieurs mesures visant à renforcer le financement par la cotisation sociale.

L’article 23 prévoit de renforcer la taxation des retraites chapeaux qui bénéficient aux dirigeants des grandes entreprises.

Pour les auteurs de cette proposition de loi, il convient également de remettre à plat trente ans de politiques d’allègements sociaux qui ont fragilisé le financement par la cotisation de notre système de protection sociale, tout en incitant à recourir au travail peu qualifié. Désormais, le montant des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises sans condition atteint 66 milliards d’euros par an, soit 13 % de l’ensemble des recettes de la Sécurité sociale. Nous proposons d’utiliser une partie de cette somme pour financer de nouveaux droits à la retraite.

C’est pourquoi l’article 24 supprime progressivement l’allègement de cotisation patronale

«  CICE  » qui grève les finances publiques de 22 milliards d’euros par an. Adopté en 2013, le CICE et le dispositif de réduction de cotisations sociales qui l’a suivi n’ont jamais fait la preuve de leur efficacité en matière de compétitivité et de création d’emplois tout en incitant les employeurs à ne pas augmenter les salaires.

Dans le même sens, l’article 25 abroge progressivement le dispositif «  Fillon  » de réduction générale de cotisations patronales qui encourage les emplois peu qualifiés et les bas salaires. Cette disposition permettrait de ramener 20 milliards d’euros par an dans les caisses de la Sécurité sociale.

Afin de compenser pour les petites et moyennes entreprises l’abrogation progressive de ces deux dispositifs, une aide publique directe pour les TPE‑PME et structures du secteur tertiaire non marchand sera mise en place permettant de compenser les hausses de cotisations sociales patronales.

Pour assurer le financement par la cotisation sociale, il est également nécessaire d’imposer la compensation financière intégrale de l’État au budget de la Sécurité sociale lorsque ce dernier décide de nouvelles exonérations de cotisations sociales pour financer artificiellement du pouvoir d’achat. C’est l’objet de l’article 26. Une telle mesure permettra de ramener 3 milliards d’euros dans les caisses de la Sécurité sociale.

Parallèlement, il est urgent de mettre à contribution les revenus du capital. L’article 27 propose d’assujettir les revenus financiers des sociétés financières et des sociétés non financières à une contribution d’assurance vieillesse, à un taux égal à la somme des taux de cotisation d’assurance vieillesse patronale et salariale du secteur privé. Cette nouvelle contribution apportera un surcroît de recettes estimé à plus de 30 milliards d’euros.

L’article 28 permet de moduler à la hausse les cotisations patronales d’assurance vieillesse en fonction des politiques salariales, d’emploi, et de formation des entreprises, ainsi que du respect d’objectifs écologiques et environnementaux. Celles qui ont des comportements non vertueux dans les thèmes énumérés au présent article, comme le recours abusif à l’emploi précaire ou partiel par exemple, se voient appliquer une majoration du taux de cotisation patronale d’assurance vieillesse à leur charge. Au sein de chaque entreprise, les représentants du personnel présents au comité social et économique disposent d’un droit de regard et rendent un avis sur l’application de cette mesure.

Enfin, le chapitre 2 entend encadrer les dispositifs incitant les retraites par capitalisation tout en soumettant à contribution sociale les instruments de contournement du salaire socialisé.

En effet, la réforme de l’épargne retraite inscrite dans la loi PACTE de 2019 a introduit un taux de forfait social réduit de 16 % sur les versements employeurs dans les produits collectifs assurantiels afin de les rendre attractifs. Parallèlement, ce texte a supprimé le forfait social pour les entreprises de moins de 250 salariés au titre de l’intéressement et la participation. Loin d’être opposés à l’épargne salariale, nous refusons qu’elle constitue un instrument d’évitement du salaire et une nouvelle niche sociale. Ces deux mesures vont se traduire par une perte de ressources pour la branche vieillesse de la Sécurité sociale de l’ordre de 700 millions d’euros en 2020. C’est pourquoi l’article 29 propose de revenir sur ces deux mesures en rétablissant d’une part le taux de forfait social normal à 20 % pour les versements réalisés sur des plans d’épargne retraite, et de réintroduire d’autre part la contribution sociale à la charge des employeurs de moins de 250 salariés au titre de l’intéressement et de la participation.

L’article 30 supprime les plans d’épargne retraite obligatoire à la discrétion des entreprises que les salariés concernés ont l’obligation de souscrire. Seuls seraient maintenus les plans d’épargne retraite collectif et les plans d’épargne retraite individuelle.

Enfin, notre proposition de loi porte un volet spécifique aux territoires d’Outre‑mer.

En effet, dans les Outre‑mer les règles applicables en matière de retraites sont variables d’un territoire à l’autre et les réalités démographiques le sont tout autant. Quelles que soient les réformes menées pour ces territoires, elles ne peuvent pas se départir de cette pluralité de situations.

Dans les collectivités régies par l’article 73 de la constitution (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion), à quelques nuances près, les règles en matière de retraite sont très proches de celles existant dans l’hexagone. Le cas de Mayotte, devenu département en 2011, est différent puisque son régime de retraite n’a été créé qu’en 1987 et n’a vu son plafond évoluer que très faiblement.

Les collectivités régies par l’article 74 de la constitution (Saint‑Pierre‑et‑Miquelon, Wallis‑et‑Futuna, la Polynésie française) ainsi que la Nouvelle Calédonie ont, quant à elles, des caisses autonomes et des règles spécifiques.

Par ailleurs, en Martinique et en Guadeloupe nous assistons à une diminution et à un vieillissement de la population.

Selon l’INSEE : « À l’horizon 2030, la Guadeloupe compterait 372 000 habitants, soit une baisse de 8 % par rapport à 2013. Concernant la Martinique, la décroissance démographique serait plus prononcée que celle de la Guadeloupe puisqu’elle atteindrait une baisse de 12 % sur la période 2013‑2030 ».

En 2030, les personnes âgées de 65 ans et plus représenteraient plus de 28 % de la population totale guadeloupéenne tandis qu’en Martinique, les 60 ans et plus représenteraient 40 % de la population.

En Guyane c’est un phénomène inverse qui se profile avec une augmentation de sa population de près de 30 % d’ici 2030. Aujourd’hui, 50 % de la population a moins de 25 ans et la part des seniors de plus de 60 ans est inférieure à 10 %.

Par conséquent, l’équilibre financier de la caisse des retraites guyanaise est bien réel, mais reste confronté à une problématique d’ampleur relative à des cas de fraude patronale, estimée par l’URSSAF à près d’un milliard d’euros.

À la Réunion, une natalité encore relativement dynamique coexiste avec un vieillissement de la population.

Les politiques publiques et particulièrement une réforme des retraites doivent nécessairement tenir compte des modifications particulières de la structure démographique de ces territoires (articles 32 et 33).

En outre, en raison du nombre de places limité dans les structures d’accueil et des faibles pensions de retraite, le maintien à domicile des personnes âgées à mobilité réduite est plébiscité par ces populations. Cette aide à domicile est souvent assurée par la famille, notamment les jeunes retraités qui ont plus de temps libre.

L’âge de départ à la retraite ne peut donc subir un nouveau recul sous peine de déstructurer cette organisation sociale autour des plus âgés.

Tous les Outre‑mer font également face à une même série de malus : taux de chômage supérieur à la moyenne de l’Union européenne, alignement tardif du SMIC en 1996, emplois informels ou peu qualifiés, cherté de la vie.

Il n’est pas surprenant qu’in fine, le taux de pauvreté atteigne 30 % en Martinique et en Guadeloupe, 42 % à la Réunion, 53 % en Guyane et 77 % à Mayotte.

Et c’est dans la même logique que 9 à 15 % des retraités de ces territoires se retrouvent en situation de grande pauvreté, contre 1 % dans l’Hexagone et que leurs pensions sont inférieures de 10 à 17 % par rapport à la moyenne nationale.

À la Réunion, où les pensions de retraite sont les plus faibles de France, elle est inférieure à 850 euros brut par mois pour 50 % des retraités. Il s’agit donc d’une pension 43 % plus faible que dans l’Hexagone puisqu’un retraité sur deux perçoit une pension de retraite inférieure à 1 480 euros. Au total, six retraités sur dix disposent d’une pension de retraite dont le montant est inférieur au seuil de pauvreté pour une personne vivant seule. Ainsi, tandis que la moyenne de la pension de retraite à La Réunion est de 1 049 € brut, le seuil de pauvreté est fixé à 1 128 euros. Ainsi, accélérer la durée de cotisations alors même que l’entrée sur le marché de l’emploi est retardée ou la carrière entrecoupée ne garantit pas l’obtention d’une retraite respectable.

À Mayotte, elle est en moyenne de 282,35 euros, et atteint les 617 euros au titre d’une carrière complète.

En effet, selon l’INSEE “les retraités des Outre‑mer ont cotisé moins longtemps, la durée de cotisation en moyenne est plus basse qu’ailleurs. Ils ont travaillé moins souvent, ont eu davantage d’interruption de carrière.”

Par conséquent, pour bénéficier d’une retraite à taux plein, l’âge moyen de départ à la retraite est mécaniquement plus élevé. 64,3 ans pour la Réunion, 64,7 pour la Martinique, 64,9 pour la Guadeloupe, 65 pour la Guyane alors qu’elle est de 62,7 ans dans l’Hexagone.

L’Allocation de Solidarité aux Personnes Agées (ASPA), qui complète les revenus personnels, est délaissée par les ultramarins et ceci pour plusieurs raisons.

En Guyane par exemple, du fait d’une fracture numérique et d’un taux d’illectronisme considérables, auxquels il faut ajouter un éloignement conséquent des services publics dû notamment à un manque d’infrastructures, ce dispositif est méconnu. Par conséquent, on assiste à un déficit de dépôt de dossiers de demande. Par ailleurs, l’ASPA fait partie des prestations sociales récupérables par l’État ou la Sécurité sociale après le décès de l’allocataire, si l’actif successoral net ne dépasse pas un seuil, porté à 100 000 € dans les départements et régions d’Outre‑mer. Il est impératif que ce seuil soit prolongé au‑delà du 31 décembre 2026 et également appliqué dans l’Hexagone actuellement soumis à un seuil de 39 000 euros. Par ailleurs, pour rendre ce dispositif plus attractif en tenant compte de la spéculation foncière très vive dans les Outre‑mer, il faut également que l’habitation principale dans ces territoires soit exclue du champ de recouvrement sur la succession de l’ASPA. (Article 4).

À Mayotte pendant une très longue période, le paiement des salaires ne donnait pas lieu à cotisation. Il faut dire que dans tous les Outre‑mer la plupart des ouvriers notamment les ouvriers agricoles étaient payés en liquide pendant des années et voient aujourd’hui leur retraite sérieusement amputée.

Aussi, si tout doit être fait pour lutter contre le travail informel il est toutefois nécessaire d’en tenir compte dans le calcul de la retraite des travailleurs concernés.

Par ailleurs ces mêmes ouvriers agricoles empoisonnés par le chlordécone en Martinique et en Guadeloupe ainsi que les victimes des essais nucléaires dans le Pacifique doivent pouvoir également bénéficier des mêmes dispositions mises en place en faveur des victimes de l’amiante lors de leur activité professionnelle. (articles 34, 34 bis, 34 ter).

Le congé solidarité et l’Indemnité temporaire de retraite (ITR) : deux mesures supprimées qu’il faut réhabiliter.

Le congé solidarité prévoyait qu’ » En contrepartie de l’embauche d’un jeune de moins de 30 ans, un employeur pouvait, sous certaines conditions, mettre en préretraite un salarié âgé de 55 ans ou plus, tout en bénéficiant d’une aide de l’État ».

Il s’agissait d’un dispositif temporaire de préretraite mis en place par la loi d’Orientation pour l’Outre‑mer du 13 décembre 2000. Il n’a pas été renouvelé lors du vote de la loi de finances pour 2008 et a donc disparu le 31 décembre 2007. Nous proposons sa réhabilitation (article 35).

Quant à l’ITR, il s’agit d’un dispositif visant à compenser la cherté de la vie lors du passage à la retraite. En effet, les fonctionnaires des Outre‑mer bénéficient d’une sur‑rémunération pour compenser la cherté de la vie. Elle est de 40 % en Martinique en Guadeloupe et en Guyane, de 53 % à la Réunion.

Cette sur‑rémunération disparaît au moment de la retraite pour les fonctionnaires martiniquais, guadeloupéens et guyanais. Mais, par un décret de 1952, les fonctionnaires dans certains territoires des Outre‑mer comme la Réunion et la Polynésie ont pu continuer à percevoir un supplément de retraite appelé ITR afin de compenser la cherté de la vie. Il était selon le territoire, de 35 %, 40 % ou 75 %.

En raison des abus notamment de fonctionnaires d’État sans lien avec les Outre‑mer qui prenaient leur retraite dans ces territoires concernés par l’ITR, cette mesure est progressivement supprimée en vue d’une suppression définitive en 2028. Nous proposons que cette disposition soit pérennisée (article 36).