EXPOSE DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le monde agricole et le Parlement portent au long cours un combat pour un prix rémunérateur. Même si, dans les faits, les résultats sont encore loin du compte, on observe depuis 2016 une forme de continuum législatif et un relatif consensus pour répondre à cette attente, avec la loi Sapin 2, puis avec les lois Egalim successives.
Alors que le secteur aval de l’agriculture fait l’objet de débats permanents, celui du secteur amont demeure un angle mort des politiques publiques alors qu’il est tout autant constitutif de l’économie des exploitations agricoles. Cette question de la construction et du partage de la valeur dans l’agrofourniture recouvre l’ensemble des biens utilisés pour la production agricole : les matières fertilisantes, les produits phytosanitaires, les produits destinés à l’alimentation animale, les équipements agricoles, les médicaments vétérinaires. Tout laisse à penser que, par différents biais, ce secteur n’est pas exempt de marges indécentes et de profits d’opportunité́.
À l’heure actuelle, notre politique fiscale est aveugle quant aux stratégies d’optimisation des entreprises multinationales qui appauvrissent la puissance publique. Par ailleurs, la politique massive d’exonération sur l’amortissement des investissements ou d’effacement des plus‑values dans les exploitations agricoles contribue à un marché artificiel, sans rapport avec les coûts de production de l’industrie, ni avec les besoins objectifs de l’agriculture. Les charges de mécanisation représentent l’un des postes de dépenses les plus importants des exploitations agricoles. Comment justifier une hausse exponentielle du coût du machinisme, particulièrement ces 24 derniers mois ?
Même étonnement concernant les intrants chimiques (engrais, produits phytopharmaceutiques). Le paradoxe, s’agissant de ces intrants chimiques, c’est que toute hausse de la redevance pour pollution diffuse (RPD) – laquelle contribue à financer la réparation de certains impacts environnementaux – est immédiatement considérée comme devant être répercutée sur le prix de vente, sans que ne soient interrogés ni le niveau de profit des firmes, ni leur contribution fiscale.
Tout laisse à penser que, à l’instar d’entreprises de l’aval qui induisent des situations de dépendance commerciale dont elles peuvent abuser, les entreprises des secteurs de l’amont peuvent profiter d’un pouvoir économique de nature à écraser le revenu agricole.
L’article L.682‑1 du code rural et de la pêche maritime donne à l’Observatoire de la formation des prix et des marges la mission « d’éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics sur la formation des prix et des marges (…) ». Cet observatoire étudie les coûts de production au stade de la production agricole, les coûts de transformation et les coûts de distribution dans l’ensemble de la chaîne de commercialisation des produits agricoles.
Son objectif est d’expliquer le niveau et les variations des prix des produits alimentaires en mesurant les apports de valeur réalisés à chaque étape de leur élaboration, depuis la production agricole et la transformation industrielle jusqu’à la mise à disposition des consommateurs par le commerce de détail.
Cependant, au fil du temps, cette fonction n’a pas changé et la question de la construction des coûts de production en amont demeure un point aveugle de l’économie agricole.
Dès lors, il apparait indispensable, pour éclairer le débat public, de rendre plus transparente la construction des coûts de production, qui est l’un des facteurs majeurs constitutif du revenu agricole.
Tel est le sens de la présente proposition de loi qui vise donc, dans son article 1er, à ajouter aux missions de l’Observatoire des prix et des marges l’analyse du secteur amont de l’agriculture, afin de faire la lumière sur les marges commerciales des metteurs sur le marché de l’agrofourniture et l’impact des stratégies fiscales sur l’ensemble de la chaîne de production. Cet article précise par ailleurs les informations à transmettre à l’établissement FranceAgriMer et utilisées par l’Observatoire quant à la connaissance des productions, marchés et données du commerce extérieur.