EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Chaque année, des médecins partent à la retraite sans être remplacés, et la promesse d’égalité face à la santé qui fonde notre modèle social est brisée pour de nouveaux citoyens, qui ne trouvent plus de médecin traitant et doivent attendre des mois pour obtenir un rendez‑vous chez le dentiste ou chez un spécialiste. Le sentiment d’abandon progresse. Retarder encore des mesures puissantes et efficaces, c’est risquer d’atteindre un point de rupture irréversible.
Depuis plusieurs décennies, la combinaison de facteurs démographiques et de politiques publiques soit inadaptées, soit insuffisamment volontaristes, a conduit à une aggravation continue de la désertification médicale. L’enjeu des inégalités d’accès aux soins n’est pas nouveau, mais l’urgence continue de grandir.
En termes d’accès aux soins, les inégalités entre les territoires sont flagrantes. Pire, elles continuent de s’accroître. Entre 2010 et 2024, selon le Conseil national de l’Ordre des médecins, la densité médicale est en hausse dans 31 départements, alors qu’elle s’est détériorée dans les 69 autres. Le nombre de médecins en activité régulière par habitant en Creuse a ainsi diminué de 31 %, quand il augmentait de 16 % dans les Hautes‑Alpes. Ces chiffres alarmants masquent également de fortes disparités au sein des départements, qu’il est plus que jamais nécessaire de niveler.
Selon les chiffres du ministère de la santé, la désertification médicale touche près de neuf millions de Français. Pour les 10 % de la population habitant les territoires où l’offre de soins est la plus insuffisante, il faut 11 jours pour obtenir un rendez‑vous avec un généraliste et 93 pour un gynécologue. Le temps d’attente atteint même 189 jours pour consulter un ophtalmologue.
La situation est d’autant plus préoccupante que la désertification médicale continue de progresser, d’abord du fait de l’évolution sur le long terme de la démographique médicale. Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DRESS), le nombre total de médecins actifs de moins 70 ans continuera à diminuer au moins jusqu’en 2025. Les territoires déjà victimes de sous‑densité, où les outils incitatifs ne suffisent pas à attirer de nouveaux médecins, continueront à être les plus touchés par la désertification médicale. Selon la Cour des comptes, en 2017, dans 45 départements où la population était en hausse, le nombre de médecins était, lui, en baisse.
Depuis le milieu des années 1990, le nombre de médecins formés ne fait qu’augmenter chaque année. En 2021, le seuil des 10 000 a été franchi. Sur la période 2021‑2025, le numerus apertus fixe l’objectif de 51 505 étudiants admis en deuxième année de médecine. Néanmoins, cet effort n’est pas suffisant et ne permet pas de contrer le vieillissement de la population ainsi que les nombreux départs à la retraite.
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À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles.
De nombreuses politiques d’incitation à l’installation des médecins dans les zones sous‑denses ont déjà été mises en œuvre depuis les années 2000, qu’ils s’agissent du financement d’assistants médicaux, d’avantages matériels, des contrats d’engagement de service public (CESP) passés avec des étudiants, des maisons de santé ou encore du passage du numerus clausus à un numerus apertus.
Bien que ces mesures soient nécessaires et utiles, elles ne sont pas suffisantes pour lutter contre la désertification médicale. Selon la grande majorité des études réalisées sur le sujet, si les dispositifs de soutien financier aux étudiants en contrepartie d’engagements de service permettent en général d’accroître l’offre à court terme, les résultats à plus long terme sont beaucoup moins probants. Les incitations financières ont leur utilité, mais elles ne suffisent pas à attirer et retenir les médecins dans les zones sous‑denses, et l’impact de ces mesures est hélas trop faible au regard des coûts qu’elles engendrent.
L’attache territoriale et le cadre de travail (travail en équipe, exercice collectif) sont en revanche les facteurs les plus déterminants lorsqu’un médecin choisit son lieu d’installation. La décision d’exercer dans une zone sous‑dense peut être motivée par le lien que le médecin a développé avec ce territoire, soit parce qu’il y a grandi, soit parce qu’il y a été formé. Au‑delà de ces facteurs personnels, les conditions d’exercice et le fait de ne pas être isolé professionnellement sont de plus en plus déterminants dans le choix du lieu d’exercice.
Surtout, la régulation de l’installation est une mesure probante qui a déjà été mise en place dans plusieurs États comparables à la France. Au Danemark, les médecins généralistes doivent passer un contrat avec les autorités régionales qui régulent la distribution géographique de l’offre médicale. En Allemagne, depuis le début des années 1990, un nombre de médecins pouvant être conventionnés avec l’assurance maladie a été fixé pour chaque zone géographique. En Norvège, les généralistes sont en majorité sous contrat avec les municipalités.
Selon une étude de la DREES datant de décembre 2021, « ces quelques exemples montrent une distribution plus homogène dans certains pays qui régulent l’installation, sans que l’on puisse en tirer une conclusion générale, faute de pouvoir systématiser les comparaisons ». La régulation de l’installation ne doit pas être perçue comme une solution unique. Il faut qu’elle soit accompagnée d’une amélioration du cadre d’exercice pour former une politique globale.
La DREES indique par ailleurs que « la régulation de l’installation conduit sans doute à une distribution géographique plus équitable ». Malgré des résultats encourageants dans les autres pays, la régulation de l’installation des médecins n’a encore jamais été essayée en France. La dégradation de l’accès aux soins justifie aujourd’hui plus que jamais cette mesure de courage politique.
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Face à l’urgence de la situation et au regard de l’importance du sujet de la désertification médicale pour nos concitoyens, il est indispensable de relancer le dialogue dans la lutte contre la désertification médicale.
Le groupe de travail transpartisan sur les déserts médicaux, composé d’une centaine de députés issus de neuf groupes parlementaires de droite, de gauche et du centre, travaille depuis plus de deux ans dans un esprit de concertation et de dépassement des clivages politiques au nom de l’intérêt général. Ce groupe a pris, sous la législature précédente, d’importantes initiatives : auditions de 86 personnalités issues de 48 organisations de médecins, d’internes, d’étudiants, d’élus, d’usagers, de professionnels de santé et de chercheurs, adoption de plusieurs amendements transpartisans à la loi Valletoux, dépôt en 2023 d’une proposition de loi cosignée par plus de 200 députés, organisation d’un « Tour de France » pour présenter les travaux du groupe dans 21 départements différents.
Dans une configuration politique et parlementaire inédite, et face à l’urgence de l’accès aux soins dans les territoires, la démarche transpartisane paraît d’autant plus nécessaire et utile. La présente proposition de loi se présente comme l’aboutissement de cette méthode.
Bien que la conviction que la régulation de l’installation des médecins fait partie des leviers efficaces soit partagée au sein du groupe de travail, ce texte se veut avant tout un ensemble structuré de mesures complémentaires, organisées selon trois axes : mieux répartir, mieux former, mieux accompagner ceux qui nous soignent au quotidien.
L’enjeu de cette proposition de loi est d’ouvrir un débat indispensable, sur un sujet qui touche au cœur les territoires et le quotidien de nos concitoyens. La variété des thématiques abordées au fil des articles participe également de cette volonté de dialogue : l’inscription du texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale permettra – nous le souhaitons – qu’il soit largement enrichi par voie d’amendements.
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Le chapitre Ier de la proposition de loi met en place un ensemble de mesures permettant d’améliorer à court terme l’offre de soins médicaux dans les territoires sous‑dotés, notamment par une meilleure répartition des médecins. Les six premiers articles du texte partent du constat que des actions puissantes sont nécessaires pour traverser le creux de démographie médicale que nous vivons actuellement. La nécessité d’une régulation de l’installation reste une conviction partagée au sein du groupe de travail transpartisan, sans qu’elle soit considérée comme l’unique réponse à apporter.
L’article 1er permet de flécher l’installation des médecins – généralistes et spécialistes – vers les zones où l’offre de soins est insuffisante.
Il crée une autorisation d’installation des médecins, délivrée par l’ARS. En zone sous‑dotée, l’autorisation est délivrée de droit pour toute nouvelle installation. Dans tous les autres cas, c’est‑à‑dire lorsque l’offre de soins est au moins suffisante, l’autorisation est délivrée uniquement si l’installation fait suite à la cessation d’activité́ d’un praticien pratiquant la même spécialité́ sur ce territoire. L’autorisation d’installation intervient après consultation, par l’ARS, de l’Ordre départemental des médecins.
Il s’agit d’un premier pas dans la régulation de l’installation des médecins sur le territoire, qui permettra, à tout le moins, de stopper la progression des inégalités entre territoires.
La mesure vise à orienter l’installation des professionnels de santé vers les zones où l’offre est la moins dense par un aménagement du principe de liberté d’installation, qui continue de prévaloir.
Ce cadre nouveau doit évidemment être soutenu par les mesures d’incitation déjà existantes, notamment pour les jeunes médecins, au plan financier comme au plan professionnel. Les politiques d’incitation à l’installation des médecins dans les zones sous‑denses restent bien entendu nécessaires. Mais ces mesures ne répondent pas à l’urgence de la situation. Soit leur impact est trop faible compte tenu des moyens engagés – c’est le cas des incitations, qui coûtaient 86,9 millions d’euros par an à l’État en 2016 – soit il est à retardement, comme la réforme du numerus clausus dont les effets sur le nombre de médecins ne seront pas significatifs avant une décennie.
L’article 2 propose de créer un indicateur territorial de l’offre de Soins (ITOS), élaboré conjointement par les services de l’État en lien avec les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) qui dresse une cartographie précise, par bassin de vie, de la répartition de l’offre de soins sur le territoire français. Cet indicateur définit également, dans les zones les plus sous‑dotées, un niveau minimal d’offre de soins à atteindre pour chaque spécialité médicale.
Le travail de l’Ordre des médecins dans ses rapports annuels, et surtout l’accessibilité potentielle localisée (APL), calculée par la DREES, sont des outils instructifs et de bonnes bases de travail, mais ils manquent à la fois de visibilité et de reconnaissance. L’une des nouveautés de l’indicateur proposé est justement son objectif : orienter véritablement les politiques de santé. Inscrit dans la loi, il bénéficiera d’un travail concerté, d’une large diffusion et donc d’une dimension supplémentaire de puissance publique.
Outre la répartition des médecins généralistes et spécialistes, l’indicateur territorial de l’offre de soins devra être pondéré par les données démographiques et sociales des territoires. En effet, des facteurs comme l’âge, la prévalence des risques, le non‑recours aux soins peuvent nécessiter une offre renforcée. Les résultats de cet indicateur, mis à jour annuellement, dresseront donc une cartographie très fine des besoins médicaux sur le territoire.
L’objet de l’indicateur territorial de l’offre de soins est avant tout d’être un outil uniforme d’aide à la décision pour les agences régionales de santé, d’abord dans la mise en place de l’autorisation d’installation délivrée par les ARS et dans l’élaboration des politiques territoriales de santé, puis dans la création d’un véritable maillage du territoire à long terme. Il sera également d’une grande utilité pour appuyer le travail des CPTS.
La seconde partie de l’article 2 précise que le directeur général de l’agence régionale de santé doit s’appuyer sur l’indicateur territorial de l’offre de soins afin de déterminer annuellement les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins ainsi que les zones dans lesquelles le niveau de l’offre de soins est particulièrement élevé. Le directeur général de l’agence régionale de santé devra également fixer annuellement par arrêté l’offre de soins à pourvoir par spécialité médicale dans les zones caractérisées par une offre de soins particulièrement dégradée. Le but de cette nouvelle disposition est de donner un cadre d’application à l’article 13 de la présente proposition de loi, en renforçant le soutien public au salariat des médecins dans les territoires où la situation est la plus dégradée (absence ou quasi‑absence d’une spécialité médicale à l’échelle d’un département entier, par exemple).
L’article 3 vise à favoriser l’installation durable des médecins sur le territoire en limitant la durée cumulée des remplacements en libéral dans la carrière d’un praticien. L’Ordre national des médecins estime qu’entre 2010 et 2023, le nombre de médecins dits « en intermittence » a augmenté de 64,4 % tandis que le nombre de médecins en activité régulière a diminué de 1,3 %. Le remplacement est notamment de plus en plus plébiscité parmi les médecins en début de carrière. Entre 2010 et 2023, l’effectif des primo‑inscrits remplaçant a ainsi augmenté de 111,8 %, contre 53,6 % pour les primo‑inscrits actifs réguliers, selon la Mutuelle d’assurance des professionnels de la santé.
Ces médecins remplaçants permettent d’assurer la continuité des soins dans de nombreux territoires. Néanmoins, il ne s’agit pas d’une solution pérenne pour garantir une offre de soins suffisante sur le long terme. Il reste ainsi préférable d’inciter les médecins à exercer de façon permanente, en particulier dans les zones sous‑dotées.
L’article 4 supprime la majoration des tarifs à l’encontre des patients non pourvus d’un médecin traitant.
Près de six millions de Français, dont 600 000 atteints d’affection de longue durée, n’ont pas de médecin traitant. La désignation d’un médecin traitant est souvent difficile, voire impossible pour les personnes habitant dans une zone où l’offre de soins est insuffisante. De ce fait, la majoration des tarifs à l’encontre des patients non pourvus d’un médecin traitant est une véritable double peine pour ceux qui rencontrent d’importantes difficultés pour se faire soigner.
La loi « Valletoux » avait intégré, sur proposition du groupe de travail transpartisan, une disposition supprimant la majoration des tarifs pour les patients dans les 12 premiers mois suivant la perte de leur médecin traitant. L’article 4 élargit le périmètre de suppression de cette majoration à l’ensemble des patients dépourvus de médecin traitant.
L’article 5 facilite l’exercice des praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE). Il s’agit d’accorder une reconnaissance nouvelle à ces médecins qui œuvrent quotidiennement dans les établissements de santé les plus isolés du territoire sans compter leurs heures.
La première partie de l’article modifie les conditions d’autorisation à exercer pour les PADHUE afin de faciliter leur exercice dans les zones où l’offre de soins est particulièrement faible. Il permet au directeur général de l’agence régionale de santé d’autoriser par arrêté un médecin ressortissant d’un pays hors Union européenne – après évaluation stricte de ses compétences et de son niveau de connaissances – à exercer, notamment dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins.
Le recrutement de praticiens formés en dehors du territoire national est indispensable afin d’augmenter le nombre de médecins exerçant en France. Actuellement, il est très restreint, alors même que certains PADHUE sont totalement francophones et ont fait leurs études dans des facultés de médecine très bien classées au niveau international. Aujourd’hui, plusieurs milliers de médecins étrangers diplômés hors de l’UE suivent un parcours de validation des acquis de l’expérience en France, et une part importante d’entre eux ont d’ores et déjà les compétences pour exercer la médecine de plein droit. Cette première partie de l’article est inspirée du dispositif mis en place pour les départements de la Guyane, de la Guadeloupe, de la Martinique et de Mayotte, où les agences régionales de Santé peuvent autoriser par arrêté́ le recrutement de médecins ressortissants de pays hors Union européenne.
La seconde partie de l’article vise à gérer le « stock » des PADHUE présents en France et y travaillant depuis de nombreuses années. Il propose la création d’épreuves de vérification des connaissances (EVC) spécifiques et sans limitation du nombre d’admis au bénéfice des PADHUE pouvant justifier de deux ans d’exercice rémunéré en France, et sans limite quant au nombre de fois où ces derniers peuvent passer lesdites épreuves.
L’article 6 organise l’extinction progressive du secteur 2 « hors‑OPTAM ». Depuis quelques années, une inflation des tarifs de consultations de médecine générale ou de spécialité est observée. Elle est rendue possible par la pratique des dépassements d’honoraires sans plafonnement pour les médecins conventionnés en secteur 2 « hors‑OPTAM ». Cette pratique s’est renforcée chez les médecins nouvellement installés.
Dans les faits, selon une étude récente de l’association de consommateurs UFC‑que‑Choisir, les honoraires peuvent varier du simple au double selon les départements. Les médecins en secteur 2 « hors‑OPTAM » se concentrent particulièrement dans les secteurs où la démographie médicale est relativement moins défavorable. Cette disposition renforce alors l’inégalité territoriale d’accès aux soins. Cet effet d’aubaine accroît également le renoncement financier aux soins chez les publics les plus précaires et participe alors à une médecine à deux vitesses. Afin d’encourager une meilleure répartition de la cartographie des soins sur le territoire dans un contexte de désertification médicale, l’article 6 propose de mettre en place l’extinction progressive de la pratique d’honoraires de secteur 2 « hors‑OPTAM » en l’interdisant pour toute nouvelle installation.
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Le chapitre II porte sur la formation de nos futurs soignants, autour de trois enjeux majeurs : la démocratisation de l’accès aux études de santé, une meilleure anticipation des besoins de formation à venir, et l’incitation à l’installation dans les territoires caractérisés par une offre de soins dégradée. Dans le prolongement de la suppression du numerus clausus en 2019, puis de la priorisation des besoins de santé dans la fixation de ce nombre en 2023, ces mesures de formation ne pourront s’appliquer sans des moyens adéquats consentis à l’enseignement supérieur et aux médecins enseignants et encadrants.
L’article 7 assure une formation a minima de première année comme en études de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique dans chaque département. Cette formation, comme cela est déjà le cas dans de nombreux établissements, peut être dispensée en partie en distanciel. Le déploiement d’une offre de formation en santé sur l’ensemble du territoire suppose également un accompagnement renforcé des étudiants.
Dans cette même optique de meilleure répartition de l’offre de formation en médecine sur l’ensemble du territoire, la seconde partie de l’article 7 impose la présence d’au moins un CHU par région administrative, ce qui entraîne la création d’un CHU en Corse d’ici 2030.
L’article 8 crée un indicateur pluriannuel des besoins (IPaB). L’indicateur joue un rôle similaire à l’ITOS dans le cadre des formations en santé, et permet d’adapter les capacités de formation et le nombre d’admis tout au long du cursus – en lien avec les nouvelles dispositions législatives qui actent la priorisation des besoins de santé dans la fixation du nombre d’étudiants en deuxième année de médecine. De la même manière que le numerus apertus, qu’il contribue à déterminer, l’IPaB est pluriannuel.
L’article 9 vise à créer une année préparatoire aux études de médecine. Cette formation, accessible aux étudiants immédiatement après l’obtention de leur baccalauréat, permettra une remise à niveau en vue de l’entrée en parcours d’accès spécifique santé et du passage du concours d’accès à la deuxième année d’études de médecine. Elle viserait en priorité des territoires possédant un taux d’accès aux études de médecine particulièrement faible et caractérisés par une offre de soins insuffisante.
Cette formation de renforcement dans des matières présentes au concours d’admission en deuxième année de médecine permettra de démocratiser l’accès aux études de santé et, à moyen terme, de former des médecins issus de territoires en situation de désertification médicale, compte tenu du fait que l’attache territoriale reste l’un des premiers déterminants de l’installation des médecins.
L’article 10 supprime la procédure Parcoursup pour l’entrée en institution de formation en soins infirmiers (IFSI), et rétablit donc un concours d’entrée. Depuis l’entrée en vigueur de Parcoursup, le taux d’abandon en cours de cursus d’infirmier a augmenté, atteignant jusqu’à 20 % en 2022 ; cette tendance conduit à une baisse du nombre d’infirmiers diplômés chaque année, alors même que le nombre de places en institut est en hausse. L’une des causes de cette désaffection est le choix « par défaut » que constituent les IFSI pour de trop nombreux lycéens sur Parcoursup, en décalage avec l’exigence et les réalités de la profession dont la découverte peut mener à un abandon. Il convient, en ce sens, de rétablir une procédure d’admission spécifique dans les IFSI, comportant notamment un entretien de motivation.
L’article 11 augmente le nombre de CESP offerts dès la deuxième année du premier cycle d’études de médecine, en fixant un seuil minimal à 25 % des étudiants au sein d’un même établissement d’enseignement supérieur.
L’objectif de cette mesure, qui vient en complément de l’article 7 en ce qu’elle permet un accès plus démocratique aux formations en santé, est une véritable filière du service public médical dès les premières années d’études, mais surtout la possibilité pour tous les jeunes, quelle que soit leur origine sociale, d’avoir l’opportunité d’exercer en libéral.
L’article 12 vise à rendre véritablement opérationnelles les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 créant une quatrième année de médecine générale comportant un stage à réaliser « en priorité » en zone sous‑dense. Le I organise la structuration, par l’État, d’une offre de stage suffisante dans ces territoires, notamment à travers la massification et la simplification de l’accès à la maîtrise de stage pour les praticiens diplômés. Ce renforcement de l’offre permet de rendre, à compter du 1er janvier 2027, le stage en zone sous‑dense systématique et obligatoire pour l’ensemble des étudiants de 4e année de médecine générale.
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Le chapitre III porte plusieurs mesures améliorant l’exercice des soins dans les territoires, et notamment les conditions de travail des médecins.
L’article 13 vise à favoriser le développement du salariat dans les centres de santé au sein des zones sous‑dotées.
L’activité libérale des médecins est en proie à des difficultés multiples parmi lesquelles la lourdeur des charges administratives, l’augmentation du nombre de patients à prendre en charge face au manque de médecins ou encore des horaires toujours plus importants. Ces conditions d’exercice difficiles, mais aussi l’évolution des attentes des jeunes médecins dans l’exercice de leurs pratiques, les poussent progressivement à adhérer au salariat ou à privilégier un exercice mixte. Une étude de la DREES pointe en effet la perte de vitesse de l’exercice libéral exclusif, dont la part perdrait 10 points entre 2016 et 2040 au profit du salariat et de l’exercice mixte. Les deux modèles ne doivent pas être opposés, ils sont bel et bien complémentaires.
Quelque 8 000 praticiens exercent aujourd’hui dans les 3 000 centres de santé que compte le territoire. Parmi les avantages reconnus par ces praticiens de l’activité salariée, sont évoqués par exemple l’efficacité et la sécurité du travail en équipe, un meilleur équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle, une décharge administrative.
L’ouverture de postes de médecins salariés a été identifiée depuis longtemps comme un moyen de lutter efficacement contre les déserts médicaux, notamment dans les zones rurales où associations, collectivités locales ou mutualités ouvrent des centres de santé. Pourtant, leur modèle économique demeure fragile et il appartient aux pouvoirs publics de renforcer et d’accompagner ces structures qui s’inscrivent dans une évolution de l’organisation de l’offre de soins primaires pour un meilleur accès aux soins.
Pour y répondre, l’article propose de garantir l’ouverture et le financement de postes salariés en centres de santé par les Agences régionales de santé dans les territoires où l’accès aux soins est particulièrement dégradé en raison, notamment, d’une carence d’offre libérale. La détermination du nombre de postes de médecins garantis est assise sur l’indicateur territorial de l’offre de soins tel que défini à l’article 2 de la présente proposition de loi.
Le présent article assure également la viabilité économique des centres de santé. D’une part, il rehausse le montant de la subvention Teulade de 11,5 % à 13,5 % pour les centres de santé pluridisciplinaires qui emploient au moins un médecin généraliste. D’autre part, il ouvre la possibilité aux centres de santé signataires de l’accord national avec l’Assurance maladie et volontaires de mettre en place une rémunération forfaitaire au patient (capitation) pour les activités de soins. Enfin il permet d’améliorer la coordination des centres de santé avec l’ensemble des acteurs de santé du territoire en systématisant leur participation aux CPTS.
L’article 14 rétablit l’obligation de permanence des soins. Depuis la suppression de cette obligation, il est observé une dégradation de l’accès aux soins. Le principe du volontariat n’est en effet pas suffisant pour répondre à la demande de soins exprimée par la population sur le territoire. Le Conseil national de l’Ordre des médecins parle même de « désengagement des médecins libéraux ». Ainsi, seuls 38,1 % des médecins ont participé à la permanence des soins ambulatoires en 2019, ce chiffre baissant au fil des ans. Ce constat est particulièrement criant dans les déserts médicaux. Y rétablir une permanence des soins pour tous les médecins en activité, c’est partager et diminuer la charge de travail de chacun d’entre eux.
L’article 15 vise à encadrer le phénomène de concentration de l’offre de soins observé depuis plusieurs années dans différents secteurs. Les mesures proposées convergent avec plusieurs recommandations formulées par le Sénat dans un rapport d’information remis en septembre 2024.
La première partie de l’article est une disposition à portée générale, qui inclut dans les objectifs des conventions signées entre les professionnels de santé et l’Assurance maladie un objectif de préservation de l’indépendance d’exercice desdits professionnels.
La seconde partie de l’article permet plus concrètement de préserver une offre de soins à la fois indépendante et correctement répartie sur le territoire, en faisant définir par l’État une liste minimale d’actes devant être réalisés sur place par les laboratoires de biologie, sans possibilité de transmission à un laboratoire tiers risquant d’être situé à une grande distance.
L’article 16 vise à économiser du temps médical au bénéfice des médecins.
La première partie donne la possibilité pour les salariés d’auto‑déclarer un arrêt maladie de courte durée, c’est‑à‑dire de trois jours consécutifs ou moins, dans la limite de trois fois par an. L’objectif de cette disposition vise à la fois à libérer du temps médical, et à garantir la possibilité de se mettre en arrêt maladie dans les territoires où l’accès aux soins – et donc aux consultations, est particulièrement dégradé, en laissant les patients se déclarer eux‑mêmes en arrêt maladie lorsque la durée de l’arrêt en question n’excède pas trois jours. La durée proposée du congé correspond par ailleurs à celle du délai de carence, durant laquelle le salarié n’est pas rémunéré en cas d’arrêt maladie.
La seconde partie vise à ouvrir la possibilité au parent accompagnant un enfant malade ou victime d’un handicap ou d’un accident, d’auto‑déclarer un congé lorsque la durée prévisible d’un traitement destiné à son enfant est brève, soit 5 jours au maximum. Cette nouvelle disposition permet, d’une part, d’éviter aux parents accompagnants la charge d’une prise de rendez‑vous, en particulier dans les territoires où l’accès aux soins est dégradé, et d’autre part de libérer du temps médical pour les professionnels de santé lorsque le traitement ne justifie pas de consultation supplémentaire.
En réduisant le nombre de consultations préalables à une mise en arrêt ou en congé, l’article 16 permet par ailleurs de diminuer directement les dépenses de l’Assurance maladie.
L’article 17 permet de gager financièrement la présente proposition de loi.