EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Notre pays traverse une crise du logement inédite, la plus importante depuis l’après‑guerre : un million de personnes sont privées de logement, plus de quatre millions sont mal logées, plus de douze millions sont en situation de fragilité et 2,6 millions de ménages sont en attente d’un logement habitation à loyer modéré (HLM).
Depuis des mois, tous les acteurs du logement (fédérations du bâtiment, promoteurs immobiliers, organismes HLM, associations, élus locaux,…) tirent la sonnette d’alarme. Et après avoir longtemps alerté sur le risque d’une bombe sociale à retardement, nombreux disent désormais qu’elle a explosée.
Cette crise se traduit par un accroissement significatif de la demande de logements HLM, un phénomène qui se trouve amplifié par une progression soutenue des coûts d’accès à la propriété ou à la location, alimentée par une faible production de logements abordables.
En effet, le « choc d’offre » promis n’a toujours pas eu lieu. En 2023, nous comptions seulement 280 000 mises en chantier tous types de logements confondus, soit à peine au‑dessus du point bas historique de 1992‑1993.
L’une des explications se trouve dans l’offensive majeure menée contre le logement public au travers notamment de la Réduction de loyer de solidarité (RLS) instaurée par la loi de finances de 2018, et dont les effets délétères sur les capacités des organismes HLM ont largement été décriés par la Cour des Comptes dans un référé du 22 décembre 2020 publié le 4 mars 2021 ([1]). De même que les attaques répétées contre Action Logement et la loi ELAN, qui a par ailleurs ouvert la voie à la financiarisation de ce secteur et la privatisation massive du parc HLM ont considérablement affaibli notre modèle HLM.
Tout cela a donc conduit à une réduction de la production de logements publics passant sous la barre des 100 000 logements annuellement mis en chantier depuis 2017.
Face à cette crise du logement, de nombreux rapports ont été publiés au cours de la période récente sur ce sujet. S’ils sont divers dans leurs approches et leurs conclusions, ils partagent néanmoins un point commun : l’urgence d’agir.
A cet égard, la démarche très positive de concertation impulsée par le Conseil national de la refondation (CNR logement) lancée en novembre 2022 et dont les travaux ont été présentés le 5 juin 2023, foisonnent de propositions intéressantes et consensuelles.
Malheureusement, le gouvernement, pourtant à l’initiative de ce CNR, n’a pas jugé utile de se saisir de ce travail sérieux et partagé.
L’auteur et les cosignataires de cette proposition de loi regrettent d’ailleurs fortement le sort réservé à ces propositions qui auraient sans nul doute donner un coup de frein à cette crise et entrevoir un des perspectives encourageantes.
De même que le très récent rapport d’information n° 2626 des députés Stéphane Peu et Mickaël Cosson sur l’accès des Français à un logement digne et la réalisation d’un parcours résidentiel durable, propose des mesures tout à fait pertinentes à l’instar de la mise en place un véritable « choc de financement » des organismes HLM afin de permettre un « choc d’offre » dans la production de logements conventionnés et abordables.
Un autre facteur de cette crise est la raréfaction de l’offre de logement dans le parc locatif privé. Elle est en particulier due à la mode des locations de meublés de tourisme. Leur nombre a quasiment triplé depuis 2016 pour s’établir à plus de 800 000, avec pour corollaire un renchérissement des coûts du foncier, et pour conséquences l’éviction des résidents permanents et l’impossibilité d’accéder à la propriété. S’il a fallu des années de combats pour obtenir une première loi et des décrets d’applications afin de limiter le nombre de jours de locations, l’augmentation continue et significative des prix de l’immobilier induit, d’abord, des inégalités dans l’accès à la propriété, en particulier pour les primo‑accédants.
Or des mesures de soutien à la primo‑accession à la propriété immobilière présentent de nombreux avantages. En effet, outre qu’elles répondent à l’aspiration des jeunes générations et sont parfois indispensables à la poursuite de leurs projets familiaux, elles ont des effets immédiats pour le marché du logement : elles libèrent des logements dans le parc locatif et contribuent ainsi à sa fluidité ; elles améliorent globalement l’état du bâti, soit parce que cette demande contribue à la relance de l’immobilier neuf, soit parce que, dans l’ancien, les nouveaux acquéreurs plus jeunes contribuent à la rénovation du parc.
Il ne saurait donc y avoir de politique sérieuse en faveur du logement sans mesures immédiates visant à alléger les dépenses de logement des ménages, mais aussi plus structurelles en faveur de la construction abordables et HLM afin de redynamiser l’accès au logement pour tous.
Pour ce faire, la présente proposition de loi comporte deux titres et six articles.
Le titre premier propose de redonner de la souplesse aux organismes d’habitations à loyer modéré pour la construction de logements accessibles.
L’article 1er propose de supprimer la Réduction de loyer de solidarité (RLS). Cette mesure est en vigueur depuis la loi de finances pour 2018 consistant en une diminution simultanée du loyer dans les logements HLM, accompagnée d’une réduction des aides personnelles au logement pour les locataires qui en bénéficient. Il en résulte une économie budgétaire annuelle de 1,3 Md€ pour l’État qui se traduit désormais par un déficit d’investissement de niveau équivalent dans la production de logements sociaux. Supprimer la RLS permet de restituer aux organismes HLM une capacité d’investissement supplémentaire annuelle de 1,3 milliards d’euros.
L’article 2 instaure un taux unique de TVA de 5,5 % pour l’ensemble du logement HLM. Un taux permettant de réduire significativement les coûts de construction et qui constitue une mesure de simplification, à rebours des approches trop segmentées du secteur. En effet, pour l’heure l’ensemble des opérations de construction de logements sociaux ne bénéficie pas du taux réduit de TVA à 5,5 % puisque celui‑ci est restreint principalement aux logements très sociaux financés en prêt locatif aidé d’intégration (PLAI), aux acquisitions et améliorations des logements PLUS (Prêt locatif à usage social) et aux opérations menées dans le cadre du nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU). Tandis que les autres logements sociaux et le logement intermédiaire se voient appliquer un taux de TVA de 10 %.
Le titre II de cette proposition de loi vise à inciter la primo‑accession à la propriété.
L’article 3 prévoit un dézonage généralisé à l’ensemble du territoire national du Prêt à taux zéro (PTZ) dans le neuf comme dans l’ancien. Les débats entourant l’examen du dernier projet de loi de finances pour 2024, bien que prématurément interrompus à l’Assemblée nationale par le recours du Gouvernement à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, ont en effet montré tout l’intérêt qui s’attache à ce dispositif dans un contexte de taux d’intérêts nominaux plus élevés que par le passé. Cette mesure de dézonage permet de restituer au PTZ le champ d’application le plus large possible et de le rendre de nouveau pleinement lisible et attractif afin de mettre un terme aux modifications de périmètre apportées depuis 2018, et, en particulier de revenir sur la suppression récente de la possibilité de financer l’achat d’une maison individuelle neuve.
L’article 4 instaure un taux unique de TVA de 5,5 % pour la primo‑accession sur tout le territoire national dans les mêmes conditions que les opérations implantée aujourd’hui dans les quartiers politique de la ville (QPV).
L’article 5 engage le rétablissement des aides personnalisées au logement‑accession (APL‑accession) puisqu’il s’agissait avant sa suppression dans la loi de finances pour 2018 de l’un des principaux outils en faveur de la primo‑accession et promouvoir une réelle mobilité dans les parcours résidentiels.
L’article 6 constitue le gage financier.