Proposition de résolution portant sur la procédure de ratification de l’accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne

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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 30 octobre 2016, était signé à Bruxelles l’accord économique et commercial global (AECG) entre l’Union européenne et le Canada, plus connu sous l’acronyme de CETA. Un accord qui s’inscrit dans la longue liste des traités de libre‑échange qui matérialisent et intensifient une globalisation néolibérale synonyme de dérégulation à l’origine d’une « mondialisation malheureuse » pour les peuples. Un accord qui réduit drastiquement les barrières tarifaires et non‑tarifaires, déréglemente le commerce de biens et de services, introduit des distorsions de concurrence au détriment des paysans européens et fragilise la souveraineté alimentaire et agricole de notre pays.

Cet accord a été négocié pendant de longues années dans la plus totale opacité, sans aucune consultation ni information des parlements nationaux et de la société civile. Cette procédure anti‑démocratique avait été dénoncée dans une proposition de résolution portée par le groupe GDR et votée par l’Assemblée nationale le 2 février 2017.

Il a fallu attendre l’année 2019 pour que cet accord soit enfin soumis au vote des députés. Depuis cette ratification de justesse par l’Assemblée nationale, le Gouvernement a toujours refusé de soumettre ce projet de ratification au Sénat. C’est seulement en avril 2024 qu’il a été enfin soumis au vote de la Haute Assemblée. Une inscription à l’ordre du jour de ses travaux rendue possible par le groupe Communiste, Républicain, Citoyen et Ecologiste – Kanaki du Sénat (CRCE‑K) qui a décidé d’y consacrer sa « niche parlementaire » pour permettre la poursuite d’un processus démocratique interrompu durant cinq ans.

Le Sénat a alors rejeté à une large majorité le projet de loi de ratification que le Gouvernement refusait de lui présenter. Le respect de la démocratie voudrait que la navette parlementaire se poursuive aujourd’hui et que l’Assemblée examine à nouveau le texte pour aboutir à un vote conforme. Cependant, et contrairement à la pratique qui veut que le Gouvernement transmette les textes adoptés d’une chambre à l’autre dans les vingt‑quatre heures, le texte n’est toujours pas déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale.

Il ne le sera pas. Pas avant plusieurs mois si l’on en croit les propos du ministre du commerce extérieur, Franck Riester qui a affirmé : « Le projet de loi sera transmis le moment venu, mais pas avant les élections européennes, car ce sujet nécessite un temps de débat apaisé ».

Cinq ans après le premier vote de l’Assemblée nationale, cette justification apparait pour le moins cocasse. La réalité est toute autre. Si le Gouvernement se refuse obstinément à poursuivre la navette parlementaire, c’est par peur de ne pouvoir obtenir l’application définitive et complète de ce traité de libre‑échange.

Craignant, comme d’autres gouvernements européens, que cette consultation n’aboutisse à un rejet du traité, l’exécutif retarde délibérément le processus législatif. Un subterfuge qui permet de maintenir artificiellement en vigueur 90 % des dispositions de l’accord entrées en application depuis le 21 septembre 2017, à commencer par la réduction des droits de douane. C’est, en effet, l’ensemble de la partie commerciale, relevant de la compétence européenne, qui est appliqué de manière provisoire depuis la ratification du Parlement européen. Une application provisoire rendue possible dans l’attente de la ratification de l’accord par l’ensemble des parlements nationaux.

Afin de mettre un terme à cette stratégie délibérée, qui tend à faire prévaloir durablement les intérêts économiques sur la légitime expression des représentants du peuple, le Parlement doit reprendre toute sa place et rappeler le gouvernement à ses obligations afin que la ratification du CETA fasse enfin l’objet d’un véritable débat démocratique. Les échéances électorales à venir ne sauraient justifier le mépris des règles démocratiques.

D’autant moins que cet accord de libre‑échange emporte des conséquences négatives sur nos agriculteurs, sur les consommateurs, sur le climat et l’ensemble de nos concitoyens.

À l’heure où notre agriculture est confrontée à une crise majeure, le CETA, à l’image des autres traités de libre‑échange conclus par l’Union européenne, est la porte ouverte à une intensification de la concurrence de nature à étrangler un peu plus notre agriculture et à mettre en échec la nécessaire transition vers des modes de production plus durables mais aussi plus rémunérateurs en faveur de nos agriculteurs.

L’accord ne comportant, en outre, aucune « clause miroir » qui imposerait aux exportateurs canadiens de s’aligner sur les standards européens en matière sanitaire, notamment en matière de viande bovine, le risque est également d’exposer nos concitoyens à la consommation de viande nourries aux farines animales ou traitées aux antibiotiques. La Commission européenne a d’ailleurs elle‑même pointé, en 2022, des « lacunes » dans la supervision de la filière du bœuf sans hormones.

L’intensification des échanges de produits polluants, comme les engrais ou le pétrole issu des sables bitumineux représente enfin un contre sens écologique, à l’heure où 68 % des Français s’opposent à toute pause dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Autant de raisons qui justifient que la ratification de l’accord soit soumise au plus vite au débat et que la navette parlementaire se poursuive pour permettre à la représentation nationale de se prononcer de manière définitive.

Face aux réticences du Gouvernement à poursuivre le processus démocratique, le groupe GDR a annoncé, le jour même du vote au Sénat, qu’il inscrirait le projet de loi de ratification à son ordre du jour réservé du 30 mai 2024. Depuis cette date le Gouvernement, contrairement à l’usage, n’a toujours pas transmis et déposé le projet de loi adopté par le Sénat sur le bureau de l’Assemblée nationale.

Dans ces conditions et faute de pouvoir débattre du projet de loi de ratification, l’adoption de cette résolution permettrait de signifier au Gouvernement l’attachement de la représentation nationale au respect des règles démocratiques inscrites dans notre Constitution.

L’adoption de cette résolution permettrait aux député‑e‑s de poser clairement leur volonté de poursuivre la navette parlementaire, quelle que soit son issue.

L’adoption de cette résolution permettrait, enfin, à l’Assemblée nationale de rappeler le Gouvernement à ses responsabilités tant vis‑à‑vis de la représentation nationale que devant l’ensemble des Françaises et des Français.