Proposition de Résolution pour des mesures urgentes face à la crise de la psychiatrie et de la santé mentale

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EXPOSE DES MOTIFS

 

Mesdames, Messieurs,

La psychiatrie en France est en état d’urgence. La prévalence des troubles anxieux, des dépressions, ou encore des addictions n’a cessé de croître, notamment sous l’effet des crises sanitaires, sociales et économiques récentes. Un Français sur cinq est concerné par un trouble psychique, soit treize millions de personnes. Hommes, femmes, en activité professionnelle ou non, jeunes, personnes âgées… toutes catégories sociales confondues, les études montrent aujourd’hui que toutes les personnes peuvent être touchées

Face à une explosion des troubles psychiques, notamment chez les jeunes, le système de soins peine à répondre aux besoins croissants de la population. La prévalence des épisodes dépressifs chez les 18‑24 ans a bondi de 77 % en quatre ans, tandis que les hospitalisations pour gestes auto‑infligés chez les jeunes femmes de 10 à 19 ans ont augmenté de 133 % depuis 2020. Parallèlement, ces quinze dernières années, la psychiatrie publique a été marquée par la suppression de 7 000 lits, laissant les services d’urgences submergés et incapables d’assurer une prise en charge adaptée.

La diminution des capacités d’accueil dans le public contraste avec la hausse croissante de la demande. En effet, plus de 80 % des prises en charge en urgence psychiatrique sont assurées par le service public. Alors que les hôpitaux publics font face à un manque de moyens et à des fermetures de lits, le secteur privé lucratif se développe, prenant en charge 26 % des hospitalisations psychiatriques et affichant des niveaux de rentabilité élevés. Dans un contexte où la psychiatrie représente le premier poste de dépenses de l’Assurance maladie (26,2 milliards d’euros soit 14 % de ses dépenses) et où les troubles psychiques constituent la première cause d’arrêt de travail prolongé, il est essentiel de s’interroger sur l’équilibre entre service public et logique économique afin de garantir un accès aux soins équitable pour tous.

La crise de la psychiatrie met en lumière la nécessité de repenser les sources de financement du secteur. Le mode de financement historique de la psychiatrie, marqué par des inégalités, a fait l’objet d’une réforme qui prendra effet en 2026. Bien que cette réforme vise à renforcer l’équité entre les territoires et les établissements, elle suscite des inquiétudes et nécessitera une surveillance attentive pour en mesurer les répercussions.

Du point de vue des moyens humains, bien que la France dispose d’une densité de psychiatres parmi les plus élevées d’Europe, sa démographie ne permet toujours pas de répondre de manière adéquate aux besoins. En réalité, l’augmentation apparente des effectifs de psychiatres (+0,21 % entre 2010 et 2023) cache une réalité plus complexe, liée en grande partie à un recours accru aux retraités actifs (+345 %), aux intermittents et aux médecins étrangers. En 2023, 13,6 % des psychiatres en activité étaient des retraités en activité, contre seulement 3,7 % en 2010.

De plus, les disparités territoriales en matière de psychiatrie continuent de se creuser, souvent sans corrélation avec la densité de population. Le renouvellement générationnel est devenu un enjeu crucial face aux départs massifs à la retraite attendus d’ici 2030. Les jeunes psychiatres, quant à eux, se détournent de l’exercice libéral pour privilégier un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle, ce qui complique davantage l’avenir de cette spécialité.

La pédopsychiatrie, qui se trouve à l’intersection de deux secteurs particulièrement vulnérables, celui de la psychiatrie et celui de l’enfance, traverse également une crise profonde. Le système de soins pédopsychiatriques fait face à des carences criantes, alors même que les troubles psychiques chez les jeunes connaissent une explosion. Entre 2010 et 2022, le nombre de pédopsychiatres a chuté de 34 %, sans que le renouvellement des générations soit garanti. Cette situation met en lumière la gravité de la crise, avec des capacités de prise en charge réduites de manière structurelle, et même en déclin. Entre 1986 et 2013, 58 % des lits d’hospitalisation ont disparu et plusieurs départements manquent encore de services de soins à temps complet.

Les centres médico‑psychologiques (CMP) pour enfants et adolescents sont saturés, et les actions de prévention restent insuffisantes, notamment au sein des établissements scolaires, où la médecine scolaire est elle‑même défaillante. Face à cette pénurie de ressources, de nombreux mineurs se retrouvent dans des situations inadaptées, comme une prise en charge dans des unités pour adultes.

Les jeunes les plus vulnérables, comme ceux pris en charge par l’aide sociale à l’enfance ou les mineurs non accompagnés, sont particulièrement délaissés. Cette situation est d’autant plus inquiétante que la dégradation des soins actuels entraînera inévitablement une augmentation des troubles psychiatriques à l’âge adulte, exacerbant les besoins de prise en charge à l’avenir.

Le manque de professionnels de santé, la saturation des structures d’accueil et l’insuffisance des moyens alloués limitent gravement l’accès aux soins et compromettent la qualité des prises en charge. Il est urgent d’agir pour garantir à chaque citoyen un accès effectif à une prise en charge de qualité, préventive et curative.

Alors que la santé mentale a été érigée en année de grande cause en santé mentale, il apparaît nécessaire de mobiliser l’ensemble des acteurs concernés et d’apporter un nouveau souffle aux politiques publiques mises en œuvre en matière de santé mentale et de psychiatrie.

Aussi, la présente proposition de résolution réaffirme le caractère crucial de cette grande cause, qui doit inclure explicitement la psychiatrie et dépasser la seule année 2025, et invite le Gouvernement à mettre en œuvre des mesures structurantes et urgentes afin de mettre un terme à la crise connue par ce secteur.