Répondre à la crise de recrutement des professeurs à l’Education Nationale

0 Partager :
0
0
0

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans le film de Claude Berri sorti en 1981, Le maître d’école, un vendeur dans un magasin de vêtements quitte son emploi pour devenir instituteur suppléant dans une école de province. Ce qui fait sourire lorsqu’il s’agit d’une comédie devient tragique lorsque la fiction devient réalité.

En effet, notre pays est désormais dans l’incapacité d’assurer la présence d’un professeur correctement formé devant chaque enfant, contrevenant ainsi au droit fondamental à l’éducation, garanti par notre Constitution.

Ainsi, si la situation n’est pas nouvelle, l’ampleur des postes vacants à la rentrée 2022 et l’absence d’anticipation de la part du Gouvernement provoquent au sein des familles, des élèves et des équipes pédagogiques de profondes inquiétudes.

Les chiffres sont éloquents. À la rentrée 2022, plus de 4 000 postes n’étaient pas pourvus dans le secondaire et 1800 dans le primaire. 8 % des postes dans le secondaire sont vacants. Dans le même temps, 7 900 postes d’enseignants ont été supprimés durant le précédent quinquennat dans le second degré, ce qui correspond en proportion à la fermeture de 175 collèges.

Cette pénurie s’explique par le manque de candidates et candidats aux concours du professorat. Selon les chiffres du ministère de l’éducation nationale, au niveau national, le taux de postes pourvus dans le premier degré est de 83,1 % en 2022 alors qu’il était de 94,7 % en 2021. Concernant le second degré, ce taux se situe à 83,4 % cette année alors qu’il était de 94,1 % en 2021 ([1]).

En Île‑de‑France, le dernier concours de professeurs des écoles a débouché sur 424 admis pour 1 430 postes proposés dans l’académie de Versailles, 419 pour 1 079 dans celle de Créteil, et 157 sur 219 à Paris.

Notre ambition première est l’embauche de 30.000 enseignants pour répondre aux besoins immédiats en engageant le pré‑recrutement en licence d’enseignants qui seront titularisés à bac + 5 et recevront une formation complète, à la hauteur des défis qui sont face à l’école.

Cette crise dans le recrutement se manifeste aussi par le manque de professeurs remplaçants. L’État n’est pas en mesure d’assurer la continuité scolaire, faisant perdre aux enfants de nombreuses heures d’enseignement.

Lors de l’année scolaire 2018‑2019, les heures perdues pour absences d’enseignants dans les collèges et lycées constituent pratiquement 10 % des heures d’enseignement dues. Deux tiers de ces absences sont liés à des obligations professionnelles ([2]), facilement anticipables, ce qui traduit de fortes lacunes organisationnelles et un manque de ressources humaines.

Pour remédier au manque de professeurs, l’éducation nationale fait toujours plus appel aux professeurs contractuels. Leur nombre a quasiment doublé depuis 12 ans, premiers et seconds degrés confondus. En 2008, il y avait 20 000 enseignants contractuels représentant 2,8 % des effectifs. En 2020, ils étaient plus de 38 000, ce qui correspond à plus de 5 % des enseignants. Le Gouvernement a annoncé un concours de titularisation des contractuels au printemps 2023. Ces derniers peuvent également bénéficier du concours interne.

Sans remettre en cause leurs compétences et tout en considérant qu’ils sont des professeurs à part entière, nous ne pouvons pas nous satisfaire de cet état de fait. Tout d’abord eu égard à la précarité inhérente à leur situation, en particulier pour celles et ceux en contrat à durée déterminée. De plus, le recours de plus en plus massif aux contractuels fragilise le statut de fonctionnaire et affaiblit le recrutement par concours qui doit rester la voix d’accès au professorat. En permettant le pré‑recrutement et en améliorant les rémunérations, nous diminuerons significativement le recours aux contractuels. Pour celles et ceux qui sont sous ce statut, nous proposons un accès facilité à la titularisation après 3 ans d’exercice.

Au‑delà de l’urgence de la situation, c’est bien le métier d’enseignant qu’il convient de revaloriser, par le salaire et par de meilleures conditions de travail.

La perte d’attractivité du métier est tout d’abord salariale. En euros constants, les enseignants français ont perdu entre 15 et 25 % de rémunération au cours des 20 dernières années.

Alors qu’un professeur bénéficiait d’une rémunération à hauteur de 2,14 fois le salaire minimum en 1980, les nouveaux entrants ne touchent désormais plus que 1,14 fois le SMIC. Un professeur en début de carrière ne touche que 1500 euros, revenus en décalage complet avec le niveau d’étude (Bac +5) et les responsabilités liées aux missions qui leurs sont confiées.

Si nous pouvons saluer l’augmentation annoncées à 2 000 euros pour les professeurs en début de carrière, les enseignants en milieu de carrière ont perdu beaucoup de rémunération à cause du gel du point d’indice couplé à l’inflation et semblent une nouvelle fois les oubliés des mesures gouvernementales. Aussi, il convient de revaloriser l’ensemble des personnels, en tenant compte des pertes subies depuis 20 ans.

De plus, ces augmentations de salaire ne doivent pas être conditionnées à des heures de travail supplémentaires comme cela se profile avec le projet de réforme de l’école du président de la République.

La question des salaires n’est pas seulement un enjeu purement matériel. À travers l’attractivité financière, c’est la reconnaissance du statut du professeur qui se joue. Celle‑ci passe également par de meilleures conditions de travail, leur permettant de retrouver le cœur de leur métier, son sens, ne plus subir de conditions de travail dégradées, les classes surchargées. La polémique scandaleuse sur les professeurs décrocheurs après le premier confinement a été révélateur de la négation du rôle central des enseignantes et enseignants pour notre pays et du mépris qu’ils subissent.

Enfin, la gestion des carrières des professeurs, en termes de rémunération mais également en termes de mobilité doit être au cœur des évolutions nécessaires pour redonner l’envie d’enseigner. Les modalités d’affectation et de mutation apparaissent trop souvent floues, injustes et rédhibitoires. Une évaluation doit être menée pour corriger un système qui apparait maltraitant.

Aussi, faisant le constat que les mesures annoncées par le président de la République et le Gouvernement ne répondent pas aux difficultés structurelles de l’école qui sont pourtant identifiées depuis des années, nous faisons le choix de répondre concrètement au problème du recrutement des professeurs, première étape vers la construction d’une école commune, en capacité de faire progresser tous les enfants et de résorber les inégalités.

Ainsi, l’article 1 ouvre un dispositif de pré‑recrutement dès la licence, afin de faire bénéficier les élèves‑professeurs d’une formation de deux ans comme fonctionnaire‑stagiaire, assortie d’une obligation de 10 ans de service au sein de l’éducation nationale.

L’article 2 ouvre le recrutement aux listes complémentaires lorsqu’il est constaté des vacances de postes.

L’article 3 prévoit la titularisation des professeurs contractuels après 3 ans d’activité pour mettre fin à la précarité de leur statut, tout en rappelant l’objectif de réduire drastiquement le recours aux contractuels.

L’article 4 propose, au‑delà des revalorisations immédiates de la rémunération des professeurs prenant en compte l’inflation et le rattrapage du point d’indice que nous présenterons lors de la loi de finance, de porter le traitement indiciaire des enseignants en début de carrière à 1,6 fois le SMIC, soit une rémunération de base de 2 686 euros brut contre 1 828 euros brut actuellement, et de faire augmenter l’ensemble de la grille des traitements en conséquence. Ce système permet également d’augmenter automatiquement le traitement des professeurs en cas d’inflation puisque celui‑ci est désormais indexé sur le SMIC.

L’article 5 propose qu’un rapport soit effectué sur les difficultés liées aux modalités d’affectation et de mutation des professeurs du premier et second degré et sur les mesures à prendre pour améliorer les procédures, les rendre plus lisibles et plus transparentes.

L’article 6 constitue le gage financier